Chanoine Roland Jaquenoud, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 9 décembre 2001 Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10; Matthieu 3, 1-12 |
J’aimerais commencer cette méditation de l’Ecriture par une pensée qu’écrivit un jour l’une des grandes mystiques espagnoles du XVIe siècle, en qui l’Eglise reconnaît l’un de ses maîtres de vie spirituelle Il s’agit de sainte Thérèse d’Avila Au début de son ouvrage intitulé Le château de l’âme, elle affirme que l’âme du juste est comme un paradis dans lequel le Seigneur Jésus trouve ses délices. Tout homme étant appelé par Dieu à devenir un juste, chacun a donc le devoir de préparer son âme, de la purifier et de l’orner, afin qu’elle devienne ce paradis où le Seigneur se rend avec plaisir.
C’est en se sens qu’il faut recevoir l’appel que Jean le baptiste nous adresse aujourd’hui : « Convertissez-vous, criait-il avec force dans I’Evangile, car le royaume des cieux est proche ». Cet appel à la conversion lancé il y a deux mille ans dans le désert de Judée retentit jusqu’à nous comme une nécessité vitale, sans laquelle nous ne pouvons réellement prétendre au beau nom de chrétiens.
Répondre à l’appel à la conversion qui nous est fait, ce n’est pas seulement dire un oui à Dieu du bout des lèvres. Se convertir, c’est faire un retour à cent quatre-vingt degrés vers Dieu, c’est se détourner de nous mêmes et de nos petits intérêts pour nous retrouver en Lui, pour nous laisser travailler par sa grâce.
Parlant de l’action du Seigneur Jésus, Jean-Baptiste annonce : » Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ; il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas ». Il s’agit bien d’une purification que le Christ veut accomplir en nous. Une purification radicale, absolue, où tout ce qui est saleté et vieille paille doit être brûlé au feu de l’Esprit Saint.
Nous avons, nous, à nous convertir, pour laisser Dieu accomplir en nous cette purification. Utilisons donc les moyens qui permettent cette conversion, c’est-à-dire la prière, la lecture de l’Ecriture Sainte, et les sacrements. La prière nous ouvre à l’action de Dieu en nous, la lecture de la Bible nous rend familier ce Dieu qui se révèle à nous dans Sa parole, les sacrements nous communiquent la grâce. Parmi ceux-ci, il y a une place toute particulière à réserver au sacrement de la conversion par excellence qu’est celui de la réconciliation. Dans la confession sacramentelle, nous sommes amenés à recevoir le pardon de tous nous péchés, à nous retrouver aussi purs que le jour de notre baptême. Peut-on trouver meilleur moyen pour prépare notre âme et notre cœur à la venue du Christ en nous ?
Car l’enjeu est là, et il est de taille : se convertir, c’est se préparer à recevoir le Christ. Se convertir, c’est de préparer pour Dieu, afin qu’il trouve en nous une demeure digne de Lui. C’est là tout le sens du temps de l’Avent que nous sommes en train de vivre en communion avec l’Eglise répandue dans le monde entier. Avent vient du latin adventurn, qui signifie venue. Le temps de l’Avent, c’est le temps de la venue en nous du Dieu trois fois saint, selon la promesse que Jésus nous a faite dans l’Evangile de Jean : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui et nous ferons chez lui notre demeure » (Jean 14, 23). Il est donc un devoir sacré pour chaque chrétien de préparer son âme et son cœur à la venue du Christ en lui. C’est à ce prix seulement que nous répondrons à notre vocation d’enfants de Dieu. En ouvrant notre âme à Dieu, en le laissant travailler en elle pour en faire ce paradis, ce jardin d’Eden où le Seigneur trouve ses délices, nous deviendrons pleinement les filles et les fils de notre Père. Alors nous deviendrons aussi pour nos frères des témoins de ce Dieu qui nous habite. Alors Dieu fera de nous des collaborateurs de sa grâce, des chemins par lesquels il vient dans le monde se révéler aux hommes.
Dans ce monde déchiré, Dieu a besoin de témoins de son amour. Ces témoins, c’est chacun d’entre nous, Pour répondre à cet appel que Dieu nous fait, menons tout en oeuvre pour le recevoir, afin qu’en nous voyant, les hommes nos frères sentent la présence du Dieu d’amour et puissent eux aussi se rassasier de sa bonté. Ainsi, tous ensemble, avec nos frères humains, nous deviendrons ce paradis, cette montagne sainte dont nous parlait Isaïe tout à l’heure, dans la première lecture, où il ne se fera plus rien de mal ni de corrompu, où le loup habitera avec l’agneau et le léopard avec le chevreau, où le veau et le lionceau, conduits par un petit enfant, seront nourris ensemble, où la vache et l’ourse auront même pâturage et leurs petits même gîte.