Messe du 29ème dimanche ordinaire

 

 

Abbé Gilles Chassot, à l’église St-Jean, Coeuve, Ju, le 21 octobre 2001
Lectures bibliques : Exode 17, 8-13; 2 Timothée 3, 14 – 4, 2; Luc 18, 1-8

Curieux personnage que ce juge dont nous parle l’évangile d’aujourd’hui. Il ne respecte ni Dieu, ni les hommes. Son affaire, c’est la justice. Sa passion, c’est rendre la justice, trancher, décider, condamner. Il n’y a aucune place pour l’humain dans sa manière d’agir. D’ailleurs la femme qui vient le trouver n’est pas considérée comme une personne. Elle n’est qu’un dossier. Ni plus ni moins. Un cas de plus. Une affaire de plus. Et comme elle insiste lourdement pour être entendue, ce juge fini par traiter le dossier, non pour faire justice comme cela devrait être, mais pour rendre justice, et se débarrasser au plus vite de ce dossier qui visiblement l’encombre et le gêne. La justice est rendue. Le dossier peut être classé. Si Jésus raconte cette parabole, c’est sans doute moins pour nous apprendre le métier de juge que pour nous donner l’assurance que notre prière n’est pas vaine, et qu’il nous fait prier Dieu avec la même insistance que la veuve devant le juge.

Des chrétiens disent : « ça ne sert à rien de prier. Vous voyez bien que Dieu n’écoute pas nos prières. L’injustice continue dans le monde ». Alors, il vaut mieux se battre contre elle concrètement que de perdre son temps à implorer « que le règne de Dieu vienne… » puisqu’il ne semble jamais venir.

Cependant, l’évangile nous dit : Priez sans cesse, toujours… tenez dans la prière avec courage, endurance. Dieu ne nous répondra jamais pour avoir la paix. Sa réponse est toujours parole d’amour pour ses enfants. La patience et même l’impatience de ceux qui crient vers lui ont sans doute pour principale raison d’être, de dire un attachement, la confiance que nous lui faisons. Prier Dieu, l’implorer à temps et contre temps, c’est grandir dans cette conviction qu’il nous donne tout et que nous lui devons tout. « Seigneur tout vient de toi ».

Déjà Moïse en marche avec les Hébreux dans le désert a compris la force de la prière. Il est conscient de ses limites. Il sait que sa mission ne lui appartient pas et qu’il ne peut compter sur ses seules forces. Il s’en remet à Dieu. Dieu est engagé avec son peuple dans les bons et dans les mauvais moments. Il répond à sa prière. Mais le prier ne nous dispense pas de prendre nos responsabilités. Il y a l’un et l’autre; l’engagement fécondé par la prière et la prière fécondée par l’engagement.

Dans cet évangile nous entendons Jésus prononcer ces mots qui reviennent comme un refrain : Faire justice, rendre justice. La justice est l’une des plus hautes valeurs de l’humanité. Don Helder Camara nous rappelait : « Malheur à ceux qui ont perdu la soif et la faim de la justice, car la connaissance de Dieu passe par la pratique de la justice ». Etre juste dans le sens où Dieu l’entend, c’est collaborer à un monde qui ouvre de nouveaux espaces de vie à chacun et particulièrement aux plus démunis.

Être juste, pratiquer la justice exige de nous d’agir à l’égard de toute créature et de la création toute entière selon le plan de Dieu.

Que faut-il entreprendre soi-même et avec les autres pour que tous les hommes aient ce qui est nécessaire pour vivre ? Que doit-on entreprendre pour diminuer la violence et l’injustice qui détruit la vie et tant d’autres questions encore ? Sans doute notre engagement doit mûrir dans la prière. Sinon il devient de l’activisme.

En ce dimanche de la Mission universelle une autre question nous est posée qui attend aussi notre réponse : Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Oui, il la trouvera si nous demeurons unis pour témoigner de la Bonne Nouvelle.

Les missionnaires ne sont pas que ceux et celles qui partent annoncer Jésus-Christ aux nations. Prier pour la mission, c’est bien et indispensable. Être missionnaire, c’est tout aussi indispensable. Il ne s’agit par pour autant de partir aux confins du monde : notre voisin de palier, notre collègue de travail attend peut-être lui aussi le Christ. Un geste, une attention, un sourire, un service, un temps d’écoute surtout et de dialogue. Dieu a besoin de nos bras, de notre intelligence, de notre cœur pour apporter l’espérance et le respect. Respecter l’homme, c’est en même temps respecter Dieu. Ne pas respecter l’homme c’est haïr Dieu. Dieu et l’homme se conjuguent toujours ensemble. Vivre et annoncer l’évangile n’est pas à bien plaire, il n’est pas invention humaine mais Parole de Dieu, sa volonté. Nous aussi nous avons à la recevoir, à en vivre et à la donner.

Jésus est le premier missionnaire, l’envoyé du Père. Aujourd’hui, nous sommes les envoyés chez nous et partout ailleurs pour donner aux hommes et aux femmes de notre temps une lueur d’espérance et la certitude d’être tous et toutes aimés de Dieu.

En pensant à nos missionnaires, en priant pour eux et avec eux, en les soutenant financièrement, en imitant l’ardeur de la jeunesse de leur foi, ce dimanche de la Mission universelle de l’Eglise nous stimulera et en même temps nous répondrons à la question de Jésus : Quand le Fils de l’homme viendra sur la terre trouvera-t-il la foi ? Non si j’étouffe la vie en moi; oui si je vis mon baptême dans un esprit missionnaire.

Alors la justice germera.

 

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