Messe du 25ème dimanche ordinaire

 

 

Abbé Jean-Marie Berret, à l’église des Bois, Jura, le 23 septembre 2001
Lectures bibliques : Amos 8, 4-7; 1 Timothée 2, 1-8; Luc 16, 1-3

Le prophète Amos constate la disparité de traitement parmi les humains certains regorgent de biens tandis que d’autres sont privés de l’indispensable pour vivre. Il adresse un plaidoyer pour la vie de tous les hommes. L’apôtre Paul va dans le même sens en proclamant le désir de Dieu de sauver tous les hommes, de prier pour tous les hommes afin qu’ils aient une vie convenable et honnête sur terre. Dans l’Evangile, le Christ loue l’intendant malhonnête pour son habileté à mettre l’argent au service de la vie et à assurer son avenir immédiat. Pour chacun de nous, la vie est précieuse et les biens que nous possédons le sont aussi. C’est pourquoi nous avons l’habitude d’assurer nos biens et l’on va même jusqu’à assurer sa vie – dans ce cas-là, seuls les descendants en profitent, en cas de décès – une épargne au service de la famille, de sa vie et de son bien-être.

Certes, ce n’est pas une vertu que de dilapider l’argent que l’on gagne au jour le jour, au risque de se retrouver demain à l’assistance communale. L’épargne prend tout son sens lorsqu’elle assure raisonnablement les aléas de l’avenir et permet de réaliser certains projets personnels ou communautaires au service de la vie. Mais si notre assurance ne dépend que de nos biens, nous sacrifions à Mammon – même racine que Amen, c’est du sûr, du solide.

Au niveau mondial aujourd’hui, la situation n’est pas meilleure que du temps d’Amos Il y a des fortunes immenses, des états très riches et des pauvres, des états sur endettés. Et les riches, dans le procès de mondialisation, tentent de sauver et d’assurer leurs biens tandis que les pauvres se battent contre la misère. Eternel problème que celui de l’argent: le Christ n’est pas contre la capitalisation qui prévoit la vie de demain: dans la parabole des talents, il reproche à un serviteur de ne pas avoir fait porter des intérêts à son talent, pourtant il nous appelle à lui faire confiance pour notre vie.

Et l’adage des pères de l’Eglise sonne encore juste aujourd’hui prévoir l’avenir comme si tout dépendait de nous mais faire confiance au Seigneur comme si tout dépendait de lui, en n’oubliant pas que nous ne sommes pas seuls au monde et que le sens du partage surgit de la conscience que nous avons de cette fraternité universelle en humanité.

La vie de l’homme est première l’intendant prévoyant qui veut se construire de grands greniers pour mettre sa récolte abondante en réserve s’entend dire à quoi bon, aujourd’hui on va te redemander ta vie.

La vie est première et cette vie ne tient qu’à un souffle, ce souffle qui nous est donné à chaque instant de notre vie. Et si nous considérons notre souffle, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas le mettre en réserve : essayez de garder pour vous votre souffle: en quelques instants, vous suffoquerez et risquez la mort, La vie est faite d’échange: nous recevons le souffle et nous le rendons pour l’accueillir à nouveau.

Fragilité de notre existence, grandeur de notre vie dépendante à chaque instant du souffle qui nous est donné. Si l’argent est au service de la vie, s’il est conçu comme un moyen d’échange entre les hommes, nous pouvons l’envisager comme le souffle vital: si nous le gardons pour nous, il va nous étouffer, Si nous le partageons, il nous procure la vie. Si nous l’accumulons pour nous, comme dit le prophète Amos nous en privons les autres, nous les asservissons, nous en faisons des esclaves, au lieu d’être au service de la vie. Le Christ est venu libérer l’homme de toutes les puissances qui l’asservissent: il prône la libération de l’homme qui est amené à redécouvrir à chaque instant la grandeur de la vie qui lui est donnée et à en rendre grâce au créateur. S’il loue l’esprit de prévoyance de l’intendant malhonnête, il nous rappelle aussi: votre père sait ce dont vous avez besoin.

Et si nous y réfléchissons un peu, nous découvrons qu’on peut tout acheter sauf la vie, sauf l’amour et l’amour est indispensable à la vie. A quoi va nous servir notre argent si nous ne vivons pas d’amour et de tendresse, à quoi sert la vie si l’argent devient une fin en soi au lieu de rester un moyen de vivre honnêtement. Le Christ n’a pas distribué des dividendes, il s’est contenté de guérir, de redonner la santé aux malades, de libérer les possédés. Et ce qu’il nous offre, ce n’est pas seulement la vie mais sa vie: je donne ma vie afin que vous ayez la vie en abondance.

C’est dans l’action de grâce, en cette Eucharistie que nous accueillons l’amour qui nous est offert, que nous recevons en nous la Parole qui libère, que nous célébrons en Jésus-Christ ressuscité la confiance qu’il met en nos cœurs et l’espérance qui nous fait vivre parce que nous sommes aimés. Cet amour, il aimerait que nous le partagions avec tous les hommes, que notre prière et notre partage libère l’homme de tout asservissement: notre Dieu est le Dieu de la vie et il vient animer notre vie par sa présence en Jésus pain de vie, afin que nous ayons la vie pour toujours.

 

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