Messe du dimanche des Migrants

 

Abbé Jean-Jacques Martin, à l’église St-Marc, Serrières, NE, le 9 novembre 2003.

Lecture biblique : Luc 10, 25-37

Frères et sœurs,
Chers amis,

Nous connaissons bien cette parabole.

Nous aimons bien ce bon samaritain, même si d’aucun le trouve un peu mièvre.

Nous lui reconnaissons un certain courage pour avoir pris du temps et s’arrêter sur le bord d’une route dangereuse.

Nous sommes dans l’admiration pour ce dévouement envers un inconnu.

Nous avons de la peine à comprendre qu’il est capable de donner de l’argent à un hôtelier et nous sommes encore plus surpris quand on sait qu’il est même prêt à en donner davantage.

En cette journée des peuples, voilà une Parole de Dieu qui ne peut nous laisser tranquille. Voilà cet étranger avec son corps blessé, sa solitude écorchée, sa misère mise au bord du trottoir. Et quelqu’un lui ouvre un nouvel horizon, une possibilité de dire : un avenir est devenu possible. En prenant soin de ce corps, en établissant avec cet étranger une relation humaine, le samaritain se révèle à lui-même et se découvre véritablement plus homme. Regarder l’autre comme un frère : ce n’est pas au-dessus des forces humaines.

Qu’en faisons-nous ? Regarder l’autre comme un frère…

Dans sa façon de nous décrire cette parabole donc de traiter les Samaritains, dans sa façon de respecter le centurion romain, de guérir la Cananéenne, Jésus lui-même a toujours pris le parti – face à ses contemporains – de refuser toute discrimination. Personne n’est étranger. Nous le percevons d’une manière encore plus concrète dans le magnifique texte du jugement dernier que nous transmet Saint Matthieu : Jésus lui-même prend la place de l’affamé, du malade, du prisonnier, de l’étranger : j’étais un étranger et vous m’avez accueilli… tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites.

Ce message est actuel, ne trouvez-vous pas, mais il est surtout dérangeant car il n’est pas très en phase avec ce qui se passe dans notre pays ces dernières années, voir ces dernières semaines. Or ce message s’adresse à chacun d’entre nous, une nouvelle fois, ce matin. Il s’adresse aussi avec une certaine urgence aux politiciens qui sont à même ou vont prendre des décisions concernant des étrangers. Mgr Brunner, pour cette journée des peuples, écrit : celui qui n’a pas de patrie, qui souffre de faim et de soif, qui est nu et malade est comme enfermé dans une prison. Cela vaut aussi pour les personnes qui cherchent chez nous du travail ou un refuge. Cela vaut davantage encore pour ceux qui vivent chez nous de manière illégale et donc cachée. Trouvent-ils chez nous non seulement du travail, un refuge ou un séjour légal mais également une patrie ?

Regarder l’autre comme un frère…

Message que ne cesse de rappeler aujourd’hui le pape Jean-Paul II lorsqu’il invite à voir dans l’étranger clandestin ou dans le réfugié l’icône contemporaine du voyageur dépouillé, roué de coups ou abandonné sur le bord de la route de Jéricho. Message qui a été fortement rappelé au cours du Synode des évêques réuni à Rome au mois d’octobre 2001 : nous ne pouvons pas ne pas exprimer notre solidarité avec la masse des réfugiés et des immigrés qui, par suite de la guerre, de l’oppression politique ou de la discrimination économique, sont contraints d’abandonner leur terre, à la recherche d’un travail et dans un espoir de paix.

Regarder l’autre comme un frère… le traiter avec humanité

Nous avons certainement à changer le regard que nous portons sur les étrangers que nous croisons dans les rues de nos villes et villages, dans le bus, dans le train, sur le lieu de notre travail, dans les bistrots. Nos responsables politiques, économiques et sociaux ont certainement à changer le regard sur les étrangers lorsqu’ils les engagent, lorsqu’ils votent des mesures d’urgence.

L’Evangile nous invite à poser ce regard pour attester l’égale dignité de chaque être humain et du caractère sacré de son histoire. Il est le terreau et une inspiration pour l’action des chrétiens là où ils se trouvent. Nous savons que Jésus a posé des gestes, a dit des paroles qui peuvent être qualifiées de dérangeantes et subversives. Ces gestes et ces paroles interrogeaient l’ordre établi et les évidences sociales et religieuses de son époque. Souvenons-nous de son attitude « envers les enfants, les femmes, les étrangers, les pécheurs publics, les malades, les pauvres, attitude qui visait à les remettre au cœur d’une société dont ils étaient exclus et à témoigner de leur place privilégiée dans le cœur de Dieu. Ceux et celles qui le suivaient en ont été souvent déroutés. Ses ennemis ont rapidement cherché à le faire taire. La violence de la croix est la réponse des puissants à l’action de Jésus. C’est un prophète assassiné qui à l’origine du christianisme. Se le rappeler est tout sauf neutre et banal. Pour les chrétiens, le tombeau vide est le signe que Dieu dit non à cette violence de la croix. La résurrection du Christ ouvre un horizon d’espérance à l’histoire humaine et à chaque destinée individuelle. Le prophète assassiné n’est pas mort pour rien. Vivant et debout, le Christ se donne aujourd’hui encore à connaître de façon privilégiée à travers le visage des plus pauvres » (www.catho.be). J’étais un étranger et vous m’avez accueilli.

A toutes celles et tous ceux qui, comme le docteur de la Loi de l’évangile que nous venons d’entendre, cherchent un chemin de vie, Jésus – qui est le chemin, la vérité et la vie – nous montre un itinéraire finalement assez simple : c’est la route qui descend à Jéricho, route sur laquelle cheminent tous les hommes qui se croisent, qui se frôlent, qui marchent, qui tombent ; route sur laquelle Il nous invite à prendre conscience que nous pouvons devenir les uns et les autres « prochains » !

Que cette journée des peuples et dimanche des migrants soit pour nous l’occasion d’une conversion en nous rappelant enfin – comme l’ont écrit nos évêques – « que les missions catholiques de langue étrangère s’engagent depuis des décennies en vue d’une intégration constructive ? elles continueront à s’engager dans ce sens avec conviction, conscientes qu’elles rendent ainsi un service important à notre société de plus en plus confrontée au phénomène des migrations. »

Regarder l’autre comme un frère

Amen

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