Père Francis Zufferey, à la Chapelle de l’Ecole de la Mission au Bouveret, le 16 octobre 2005 Lectures bibliques : 1 Thessaloniciens 1, 1-5; Matthieu 22, 15-21 – Année A |
Rendez à César ce qui est à César…
Dans tout l’Ancien Testament, « tout pouvoir vient de Dieu». Un roi païen comme Cyrus avait été « oint » par Dieu pour faire l’œuvre divine « sans connaître Dieu » Saint Paul, appliquant ce même principe, demandera aux premiers chrétiens de se soumettre aux autorités civiles (Rm 13/1.7; Tite 3/1.2).
Il est vrai, nul ne peut faire fi des solidarités sociales civiques. Et ce serait très mal interpréter l’évangile que de vouloir couper la vie humaine en tranches séparée comme si les chrétiens et l’Église pouvaient ignorer la politique… comme si la religion devait s’enfermer dans 1es églises et ne pas influer sur la rue, la cité, les affaires, famille, les lois, l’impôt… Il est bien vrai que Jésus a constamment refusé de jouer le rôle de «messie socio-politique » qu’on voulait lui faire jouer:
Pourtant, dans la réponse de Jésus « Rendez à César qui est à César », il est difficile de ne pas voir une invitation à tenir compte de l’autorité établie, et à respecter ses droits. En prenant cette attitude, Jésus introduit dans le monde antique une distinction révolutionnaire: il désacralise la politique en affirmant que César est César… qu’il n’est pas Dieu! Alors, que César, – puisque César il y a – , continue à exercer sa fonction! C’est une fonction humaine, soumise à tous les aléas, et à la complexité des réalités socio-politiques, des régimes, des systèmes. Mais tout n’est pas dit.
Rendez à Dieu ce qui est à Dieu…
Nous, hommes modernes, nous savons où conduit toute politique qui prétend se moquer de cette deuxième partie de la pensée de Jésus. Les sociétés « sans-Dieu » sont aussi des sociétés inhumaines. Quand l’État se fait «dieu», il écrase l’homme. César, lui-même, doit donc se soumettre à Dieu, et rendre à Dieu ce qui lui appartient.
Il faut remarquer que Jésus met en valeur « nos devoirs envers Dieu», alors qu’on ne lui posait pas cette question, mais seulement une question temporelle. Ce dernier membre de phrase est bien la pointe de toute cette page d’évangile.
« Rendez à Dieu ce qui est à Lui ». Toute la vie de Jésus n’a cessé de nous crier cela.
La politique, si importante soit-elle, puisqu’elle est l’art du bien commun, n’est pas le tout de l’homme, n’est pas la part la plus essentielle de l’homme. « L’homme ne vit pas seulement de pain»… ni de logements, ni de marchés, ni de productions. Créé à l’ « image de Dieu », « à l’effigie de Dieu » , l’homme a pour destin de partager la vie même de Dieu. Si César a pu imprimer son image sur les pièces de monnaie, qu’il faut donc lui « rendre » …. à combien plus forte raison la personne humaine marquée à l’effigie de Dieu doit-elle « se rendre » tout entière à Dieu ! (Genèse 1/26).
L’homme mérite un respect absolu parce que sa destinée est divine. Une fois de plus, Jésus nous a révélé son secret et sa mission: instaurer le Règne de Dieu… et, par le fait même, révéler la plus grande dimension de l’homme!
Pour ma part, c’est le message missionnaire que je retiens de cette Bonne nouvelle transmise par St Matthieu. La tâche de notre mission de baptisés, donc de celle de l’Eglise, ici en Suisse ou là-bas au Pérou, c’est de travailler à restaurer la dignité et le respect de l’homme là où ils sont bafoués, alors nous rendrons à Dieu ce qui est à Dieu.
Mgr Joseph Roduit, responsable du dicastère « Mission » de la Conf. des Evêques, dit que la mission consiste dans la rencontre d’un visage, celui du Christ, présent dans celui de mon frère. Nous sommes responsables de la mission ici et nous devons rester solidaires de la mission universelle.
La solidarité dans la mission se manifeste essentiellement par le partage et les efforts pour plus de justice dans le monde. Je l’ai expérimenté durant plus de 20 ans en terre africaine.
– La solidarité et la justice n’ont pas pour objectif de donner un salaire égal à toutes les familles, mais que par leur travail tous les parents du monde puissent nourrir décemment les membres de la famille.
– La solidarité et la justice n’exigent pas des hôpitaux dans la campagne péruvienne ou sénégalaise, elles réclament simplement qu’un enfant ne soit pas condamné à mourir, faute d’une pièce de 5.-frS.
– La solidarité et la justice ne visent pas à faire de chaque enfant, un docteur es mathématique ou un génie en informatique, mais exigent comme un droit absolu, celui de la scolarisation de tous.
Voilà notre mission de baptisés à la suite du Christ. Dans notre pays nous avons les moyens techniques et financiers pour réaliser ces droits fondamentaux. Les habitants des pays de Sud, ne peuvent, par eux-mêmes, réaliser cette justice pour tous . Ils ne possèdent que 20% des biens de consommations, alors qu’ils font partie des 80% de la population mondiale. Le partage n’est plus, pour nous, un acte charitable à concrétiser, mais un devoir de justice à accomplir.
Si les notions de dialogue et de partage font partie du vocabulaire et de la réalité de la mission, il s’agit d’un double donner et recevoir. Il ne s’agit pas pour les uns de recevoir et pour les autres de donner : pour que la mission soit vraie, chacune des deux parties doit donner et recevoir.
Il est vrai que l’on ne donne que ce que l’on possède… Notre société industrialisée et d’abondance occupe une grande partie de son temps à rendre à César ce qui est à César… ! Il nous est donc facile de partager nos richesses matérielles et nos moyens de production.
Les sociétés en développement accordent une plus grande place au spirituel, et de mille et une façon, les hommes « rendent à Dieu ce qui est à Dieu. » Soyons attentifs à recevoir cette richesse spirituelle de frères et sœurs qui nous invitent à ne pas oublier que l’homme ne vit pas seulement de pain.
Frères et Sœurs, nous allons entrer dans la prière même du Christ qui prend nos vies pour les présenter à son Père et notre Père. En réponse à tant de bienveillance, engageons-nous à mieux soutenir nos frères des jeunes Eglises, membres de la même Eglise-Famille, du même Peuple de Dieu, pour qu’ils puissent eux-aussi annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu en bâtissant son Royaume de justice et de paix.