Messe du 5ème dimanche ordinaire

 

 

Père Philippe Aymon, chapelle de la Communauté du Verbe de Vie, Pensier, FR, le 9 février 2003.

Lectures bibliques : Job 7, 1-7; 1 Corinthiens 9, 16-23; Marc 1, 29-39

Saint Paul pose cette question : Alors, pourquoi recevrai-je une récompense ? (1 Co 9,18). Pourquoi, je reçois une récompense ?

Cette question de saint Paul me rappelle l’histoire d’un ami de la communauté qui vient régulièrement nous visiter. Cet homme, professeur d’université, aimait particulièrement son travail d’enseignant qui l’épanouissait et le rendait heureux. Un jour, il a croisé un richissime hollandais qui lui a fait part de ses projets. Celui-ci avait fait une rencontre personnelle avec le Seigneur, s’était converti et désirait mettre une partie de sa fortune au service de l’Eglise. Son seul souci était qu’il ne pouvait s’en occuper lui-même. Il cherchait donc quelqu’un pour le faire à sa place et proposa à notre ami de quitter son travail et de l’employer à ce service. Il fallait aller à la rencontre de gens désireux d’annoncer l’Evangile et leur en donner les moyens financiers. Celui-ci accepta et se mit à parcourir le monde pour réaliser ce projet. Il a par exemple en France, fait construire un hôtel complet pour une Communauté, l’Emmanuel, qui a pu ainsi déployer son ministère d’accueil pour le Cœur de Jésus à Paray-le-Monial. Pour la rencontre sacerdotale des prêtres à Rome, il a pu offrir à un très grand nombre de prêtres de pays pauvres tout ce dont ils avaient besoin pour y assister. Il a participé aussi au financement d’une chaîne de télévision. Ainsi, ont été subventionnés un nombre impressionnant de projets.

Et bien cet ami qui maintenant a pris sa retraite me fait penser à saint Paul. Pourquoi ? Parce que ce travail devait être très gratifiant. Si aujourd’hui, je vous proposais de « dilapider » ma fortune pour le Royaume de Dieu, non pour acheter des fusils ou réparer des ruines mais pour construire, ce serait pour vous très gratifiant. Vous arriveriez chez les gens, vous leur diriez «de combien d’argent avez-vous besoin ? Je vous signe un chèque… ». Simplement, il faudrait exercer votre discernement et comme notre ami, savoir refuser certains projets.

Et bien voyez-vous, pourquoi recevrai-je une récompense, quelle récompense je vais recevoir ?

Mais notre traduction n’est pas tout à fait exacte, Saint Paul dit plus exactement : Quel est donc mon salaire ? C’est d’offrir gratuitement l’Evangile que j’annonce sans user des droits que cet Evangile me confère (1 Co 9,18). Et bien, nous sommes comme cet ami, cette connaissance, nous pouvons dilapider une fortune en faisant des heureux autour de nous simplement parce que nous sommes les dépositaires de l’Evangile.

Notre récompense ne sera rien d’autre que d’être heureux, de faire des heureux en annonçant la Parole de Dieu sans être limité, comme notre ami, par le discernement du refus ou de l’acceptation de tel ou tel projet. Nous, nous avons la possibilité de donner un évangile plénier, de donner un évangile total, à toute personne nous pouvons donner une parole. Cette parole, elle est gratuite, c’est celle de l’Evangile et c’est notre bonheur.

C’est pourquoi saint Paul dit Malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Evangile (1 Co 9,16). Je crois que dans notre cœur de chrétien, dans notre vie de chrétien, dans nos églises chrétiennes quelles qu’elles soient, il y a parfois des tristesses qui ont bien le goût du malheur parce que nous nous posons beaucoup de questions sur nous-mêmes, beaucoup de questions sur le fonctionnement de nos institutions et que nous oublions que notre bonheur ne vient pas de la structure, de l’institution, même si elle est nécessaire pour ne pas dire indispensable, notre bonheur vient de la proclamation du Royaume de Dieu. Tous les prêtres savent la joie qu’ils ont de donner une parole de réconfort dans une préparation au baptême, au mariage, dans l’accompagnement de ces moments douloureux que sont les funérailles. Quand on rentre au presbytère le soir, quelle joie, quelle paix dans le cœur. Une maman catéchiste, et il y en a tant dans notre Eglise, quelle joie quand elle rentre à la maison et qu’elle a réussi à faire passer un petit peu de la Parole de Dieu dans le cœur de ses enfants, quand elle a vu en face d’elle des yeux qui s’ouvrent quand on leur parle de Jésus. Mais si nous n’annonçons pas l’Evangile, je crois que comme chrétiens, nous aurons toujours au fond de notre cœur une tristesse. Une tristesse pourquoi ? Parce que comme dit saint Paul l’Evangile s’impose à moi (cf. 1 Co 19,16). C’est un devoir, c’est une nécessité, et si c’est une nécessité, un devoir pour Saint Paul parce que le Seigneur l’a rencontré sur le Chemin de Damas et l’a envoyé, c’est une nécessité et un devoir pour nous aussi. Pourquoi cela ? Parce que nous sommes des baptisés, ça fait partie, si je puis dire, du « pack baptême ». Ce n’est pas à option, ce n’est pas baptême « option évangélisation » ou « option sans évangélisation ». Celui qui est baptisé devient obligatoirement un proclamateur, un annonceur de l’Evangile, un évangélisateur, un évangéliste, il doit annoncer le Royaume de Dieu et s’il y a une tristesse au fond de notre cœur, assurons-nous qu’elle ne vient pas d’un manque de l’annonce de la Parole de Dieu.

Du reste, Jésus dans l’Evangile d’aujourd’hui, n’est-il pas à proprement parler, l’évangélisateur par excellence, bien plus que saint Paul, il est le modèle de l’évangélisateur. Dans cet évangile de saint Marc, il y a ce mot : Je suis sorti pour proclamer la Bonne Nouvelle (cf. Mc 1,38) et c’est dans saint Marc que nous trouvons ce mot « Evangile » qui nous est tellement familier, qui nous est tellement commun. C’est saint Marc qui l’a « inventé ». Si vous regardez dans les évangiles, vous le trouvez 8 fois en saint Marc et je crois 1 seule fois en saint Matthieu. Jésus, dans l’évangile de Marc, c’est l’évangélisateur envoyé du Père. Jésus dit dans l’Evangile : Je suis sorti et dans ce contexte, il faut comprendre sorti de Capharnaüm où Il avait fait ses miracles mais j’aime à voir aussi dans ce verbe « sorti », Jésus qui sort du sein du Père pour venir à la rencontre des hommes. Dieu, totalement heureux, pleinement heureux, complètement heureux, Dieu qui, si je puis dire, c’est un peu faux mais il faut parfois le dire comme cela, Dieu qui ne veut pas être malheureux devant les hommes malheureux et qui vient leur annoncer l’Evangile, la Bonne Nouvelle. Et Jésus dira : Le Père lui-même vous aime (Jn 16,27) en saint Jean, et Il vient, Il agit, Il guérit, Il annonce le royaume de Dieu. Ce n’est pas simplement une annonce qui est faite de belles paroles, il en faut des belles paroles c’est en tout cas ce que j’essaie de faire maintenant, mais il faut aussi des actions, il faut comme Jésus dans l’Evangile, guérir, délivrer des esprits mauvais, proclamer la Parole et il faut aussi, je vous rends attentifs à cela, parce que nous sommes souvent des gens d’action, être des hommes de contemplation. L’évangélisateur est d’abord un contemplatif. Il faut sortir et dans la nuit, aller prier dans le silence. Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus se leva, il sortit et alla dans un endroit désert et là, il priait (Mc 1,35). Prier fait partie de l’évangélisation. Rendons grâce au Seigneur pour les monastères qui couvrent notre vieille Europe, des hommes et des femmes évangélisent parce qu’ils prient. Evangélisation silencieuse mais évangélisation puissante, évangélisation qui consiste à dire au Père : « voilà tes enfants Père ».

Alors nous allons vivre cette semaine, nous serons dans la Communauté, frères et soeurs retraitants, vous allez retourner chez vous et vous qui nous écoutez, peut-être resterez-vous à la maison à cause de la vieillesse ou à l’hôpital à cause de la maladie, et bien que votre bonheur, frères et soeurs, que notre bonheur soit l’annonce de l’Evangile. Une infirmière va peut être venir chez vous tout à l’heure pour des soins, vos enfants vous visiteront, je l’espère et je vous le souhaite, dans votre isolement ce dimanche, annoncez-leur une parole d’évangile. Comme Jésus, guérir, délivrer, proclamer, un sourire, une parole, un regard positif, un mot d’encouragement, une parole de Dieu, tout cela c’est non seulement rendre les gens heureux, Jésus nous a rendus ainsi heureux mais c’est aussi être nous-mêmes heureux.

Heureux sommes-nous car nous pouvons répandre l’Evangile, richesse de Dieu pour les hommes.

Amen

 

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