Messe du 5ème dimanche de Carême

Parole de Dieu, paroles des hommes

Histoire à dormir debout

Lorsque le chrétien reçoit la parole de Dieu, qu’y a-t-il de plus important ? Doit-il, par exemple, se demander comment Lazare a-t-il bien pu exécuter ce prodige de gymnastique qui aurait consisté à jaillir de son tombeau pieds et poings liés ? Avouez que c’est un peu fort ! En plus, c’est seulement lorsqu’il est déjà hors du sépulcre que Jésus donne l’ordre aux gens de le délier de ses bandelettes mortuaires et de le laisser aller. Comment croire une telle chose ? L’histoire est touchante mais ce n’est pas à nous que pourrait arriver pareille aubaine !

Eh bien si ! Cette histoire « à dormir debout » est écrite afin que vous croyiez, et non pour amuser la galerie. « Je savais bien que tu m’exauces toujours », affirme Jésus dans la prière à son Père, une prière qu’il prononce devant la foule, afin que tout le monde l’entende, hier, aujourd’hui, toujours. Il ne s’agit pas de savoir si Lazare a pu marcher, tout ligoté qu’il était, mais de savourer ce que le récit signifie pour le chrétien dans sa relation à Dieu et à sa destinée. Le message est plus important que l’image, mais l’image de ce mort sortant du tombeau nous aide à comprendre le message. Ce message tient en une phrase que Jésus adresse à Marthe, très ébranlée par la mort de son frère. Jésus lui dit et nous dit :

Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra.

Frères et sœurs peut-être frappés par le deuil, la maladie, un douloureux handicap, un accident ou la solitude, il est normal que votre souffrance vous arrache des larmes. Devant le corps de son ami Lazare, Jésus lui-même ne peut contenir son émotion, il « a la gorge serrée, il est bouleversé. » Mais sachez-le: la « résurrection de Lazare » préfigure notre résurrection. Dieu inscrit au plus profond de notre conscience cette certitude qui résume toute la foi chrétienne : ‘Toi, mon enfant, même ligoté par la mort, tu vivras. Mets tes pas dans ceux de Jésus : il est le passeur de l’existence. Il te conduira de la mort à la vie.’

Cette parole nous encourage sur notre chemin de foi. Et croyez-le, le Dieu des surprise peut effectivement se révéler de manière inattendue. Voici ce qui est arrivé au journaliste et écrivain André Frossard. Jeune homme issu d’une famille dont la seule religion est le culte de la République laïque, il se promène dans Paris avec un ami, en attendant un rendez-vous galant. L’ami entre dans une église, Frossard sur ses talons. Les voilà tous deux dans une chapelle à l’heure de l’adoration. Des religieuses prient dans la pénombre. Sur l’autel se trouve une croix de métal avec, en son centre, une sorte de disque blanc. Le journaliste ignore qu’il s’agit de l’ostensoir du Saint-Sacrement. Mais la lumière de ce « disque » fascine le jeune homme. Il la fixe intensément. Et, d’un coup, sa vie bascule. Il se sent délié de son passé. Il croit tout. Il est investi par la foi chrétienne à laquelle il restera fidèle jusqu’à son dernier souffle.

Tout le monde n’a pas la chance d’être emporté par le torrent de la grâce. Notre foi est souvent toute petite, vacillante ; elle doute, elle se pose des tas de questions sans réponses. Usée par l’habitude, elle se referme sur elle-même, se lamente sur l’état de l’Eglise et du monde, elle perd son rayonnement. L’actualité ressemble tellement à une prison, à un tombeau ! C’est alors que nous comprenons le sens de l’ordre donné par Jésus à propos de Lazare : « Déliez-le, laissez-le aller ! »

Le message est clair. L’évangile nous dit :Vous êtes sur la voie de la résurrection. Quittez les entraves de l’angoisse, déchirez les liens des remords perpétuels. Déliez les gens de la peur de Dieu, cessez de les accabler sous le joug de leurs péchés, libérez la religion chrétienne du carcan moralisateur, soyez les témoins de la tendresse de votre Père. Que votre parole donne envie de communier à la Parole de Dieu. Et qu’ainsi l’Eglise répande la bonne nouvelle annoncée par les prophètes et accomplie en Jésus Christ :
« Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir…
‘Tout homme qui vit, et qui croit en moi NE MOURRA JAMAIS.’