Frère Didier Boillat, dominicain, le 6 mars 2005, à l’église St-Paul, Genève Lectures bibliques : 1 Samuel 16, 1-13; Ephésiens 5, 8-14; Jean 9, 1-41- Année A |
« Maintenant, je vois ! » Une exclamation de joie jaillit du cœur d’un homme! Un homme perdu dans l’obscurité retrouve non seulement la vue, mais sa place. Cet homme soupçonné d’être dans le péché depuis sa naissance naît à une vie nouvelle. Jésus l’a guéri de son mal. Son cœur est envahi de reconnaissance !
Avez-vous déjà essayé de marcher dans l’obscurité ? L’expérience est difficile. Nous tâtonnons, nous essayons d’éviter les obstacles, tout devient confus. Nous n’avons plus de point de repères et nous risquons de nous faire mal.
Jésus vient mettre une lumière dans la détresse de cet homme qui marche dans l’obscurité. Une lumière qui va directement là où cet aveugle a mal : il est rejeté par tous. Ce rejet est si fort que même guéri, on le traite de menteur et on le malmène. Il n’a qu’à retourner mendier au coin de la rue, c’est là sa place.
Cette lumière donnée par le Christ vient aussi rejoindre l’obscurité qui habite notre monde, cette obscurité qui entoure une maladie, une condamnation, une séparation, une guerre. N’y a-t-il pas en vous qui nous écoutez une blessure que vous portez difficilement ? N’y a-t-il pas un non-sens aux déclarations de guerre ? Quel est ce monde qui accueille si mal l’être différent par sa langue ou sa culture ?
Nous le voyons aujourd’hui, Jésus non seulement guérit cet homme, mais il veut aussi nous guérir. Dieu n’est jamais fatigué d’inventer des chemins nouveaux pour que la vie de l’humanité retrouve lumière et paix. Et ces chemins Il les invente avec nous. Ce ne sont pas des chemins hors de nos vies, mais bien concrets, là où il manque encore une place pour quelqu’un.
Jésus lui n’hésite pas, il s’arrête pour cet homme aveugle. Il le voit sur son passage. Il prend du temps pour lui, il donne de lui-même. Avec cette boue, née du mélange de la poussière et de sa salive, Jésus crée à nouveau cet homme. Mais voilà les gens n’y comprennent rien et cela provoque une émeute. Jésus a transgressé la loi, lui aussi devient pécheur. Peu importe, il va où son amour le conduit, vers cet homme perdu dans la nuit. Quand Jésus apprend la nouvelle exclusion de celui qu’il vient de guérir, à nouveau il s’approche, cet homme a besoin d’encore plus de lumière. Jésus l’interroge : « Crois-tu ? » Jésus lui ouvre par cette question la porte de la foi. Cet homme voit maintenant en Jésus l’Envoyé de Dieu, le Sauveur. Il rejoint la communauté des croyants.
Qui voyons-nous sur notre passage ? Avons-nous l’audace de nous arrêter ? Quel est le geste et quelle est la parole qui pourront naître en nous pour ouvrir à tout autre une place de choix? Pour nous la lampe n’est plus éteinte, nous ne marchons plus dans l’obscurité. Nous voyons les repères, nous voyons les personnes, nous voyons la place vide.
Notre regard devient celui du Christ. Nous nous arrêtons pour l’autre, car nous voyons sa détresse et sa souffrance. Nous voulons pour lui la vie et qu’il ait un espace pour exister dans sa différence ! Nous percevons en lui sa richesse !
Notre attachement au Christ permet aujourd’hui à Dieu de guérir encore, de transgresser ce qui est habitude pour trouver un chemin nouveau avec l’autre, celui ou celle qui a pu me blesser, me mépriser, me déclarer la guerre. Notre foi devient ainsi un manifeste pour la paix ! Elle crée un monde nouveau…
La tâche est immense, elle est grande comme l’humanité. Heureusement la lumière du Christ est encore plus forte, elle vient sans cesse se mettre là où il fait nuit encore. Elle vient prendre place là où justement il manquait de place. Qu’elle brille pour toi et pour moi comme elle a brillé dans le cœur de l’aveugle-né ! Nous sommes tous des mendiants de lumière ! Amen