Messe du 2ème dimanche du temps ordinaire

 

Père Mauro-Giuseppe Lepori, abbaye d’Hauterive, Posieux, le 17 janvier 2010
Lectures bibliques :
Isaïe 62,1-5; 1 Corinthiens 12,4-11; Jean 2,1-11 – Année C

 

“Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu.”

Israël était « délaissé », abandonné, une « terre déserte », aride, infidèle et stérile… Aux noces de Cana, il n’y avait plus de vin…
Ni le prophète Isaïe, ni la Vierge Marie, ne font l’analyse de cette situation. Dieu non plus n’aime pas trop analyser, chercher les causes et les responsabilités. Dieu constate, Dieu voit. Et Marie ne fait que constater qu’ils n’ont plus de vin. Elle ne va pas chercher les responsabilités. Elle ne culpabilise personne. Elle aurait pu penser et dire que ceux qui ont organisé le repas de noces avaient été chiches dans l’achat du vin, ou simplement imprévoyants. Elle aurait pu aussi reprocher aux invités, y compris aux disciples de son Fils, d’avoir trop bu…
Non, Marie dit simplement « Ils n’ont pas de vin ». Elle décrit la situation comme elle est maintenant, elle dit ce qu’elle voit maintenant. Et elle voit ce qui maintenant fait souffrir et met dans l’angoisse les deux époux et leur famille.

Jésus est pris de court par la simplicité du regard de sa Mère, et c’est comme si derrière l’attitude de Marie Il devinait soudainement celle de son Père des Cieux. Pour cela il parle de son Heure, de l’Heure pascale du dessein du Père sur lui pour le salut du monde, cette Heure qui, croyait-il, n’était pas encore venue. C’est comme si les paroles de sa Mère faisaient résonner dans son cœur la parole que le Père lui a dite au sein de l’éternel feu d’amour de la Communion trinitaire, la parole de miséricorde qui l’a envoyé dans le monde : « L’humanité est perdue ; ils n’ont plus d’amour, ils n’ont plus de joie ! »

Le Père non plus n’a pas fait l’analyse de la situation. Bien sûr, il y a eu le péché originel, il y a eu l’orgueil et la sottise de gaspiller la joie et l’amour réservés à l’homme et à la femme dans le paradis terrestre. Mais à quoi sert-il à celui qui aime d’analyser le pourquoi et le comment de la misère humaine ? C’est la misère elle-même qui parle, c’est le manque, l’épuisement de l’amour et de la joie qui disent tout à celui qui aime. Un enfant malade, en danger, dit tout à sa maman par le simple fait qu’il souffre.

« Tu seras la joie de ton Dieu ! »
L’homme a toujours été la joie de son Dieu. Mais Dieu n’as pas toujours été et n’est pas toujours la joie de l’homme.
C’est douloureux de ne plus être la joie de ceux qu’on aime. Combien de familles, combien de relations, se déchirent et se brisent parce qu’on n’est plus la joie les uns des autres. Combien de personnes vivent la tristesse et l’angoisse de ne pas être la joie des autres, de ne plus l’être, de ne l’avoir jamais été. Il y a des catégories entières de personnes qui dans la société ne sont pas la joie des autres.

Mais cette joie ne surgit pas du néant. Cette joie est le rayonnement de l’amour. Sans amour, pas de joie pour l’autre.
Alors le thème toujours actuel et essentiel de l’évangile de Cana est celui-ci : comment peut renaître en nous la joie pour l’autre, la joie des fiançailles, la joie des noces ? Comment peut renaître en nous et entre nous la joie de l’amour ?

Marie et Jésus comprennent tout de suite que c’est cela l’enjeu. Ils comprennent que la misère de l’humanité a besoin que vienne l’Heure du Salut. Et elle en a besoin maintenant ; elle a besoin que l’Heure du Salut vienne à coïncider avec l’heure que nous vivons maintenant, avec l’heure où il n’y a plus de vin aux noces, avec l’heure où il n’y a plus d’amour dans nos cœurs, dans nos relations, dans nos familles et communautés, avec l’heure où il n’y a plus que vide, ruine, mort et désespoir, avec l’heure que vivent aujourd’hui, en cet instant même, des millions de frères et sœurs d’Haïti, dans l’enfer que le tremblement de terre a créé à Port-au-Prince.

Oui, il faut que l’Heure du Christ vienne maintenant. Marie a raison d’insister, plus par son cœur et par son regard que par ses paroles.

Et c’est comme si Jésus ne saisissait que maintenant que l’heure de l’Heure du Salut n’est pas fixée au Ciel, dans l’éternité. Peut-on fixer une heure dans l’éternité ?… L’heure de l’Heure de Jésus Sauveur est fixée sur la terre, dans le temps des hommes. Et ce qui en donne le signal est la misère, la détresse, l’angoisse, la mort. C’est notre besoin d’être sauvés qui sonne, aussi pour Dieu, l’heure de notre Salut.

Et que sera cette Heure du Salut ? Elle sera et elle est l’heure où Dieu peut montrer à l’homme qu’il est sa joie. Et comment le montre-Il ? En renonçant à la sienne, en souffrant pour nous.

« Tu seras la joie de ton Dieu ! »
Oui, Jésus vient nous dire toujours à nouveau que nous sommes la joie de Dieu, sa joie. Mais pour nous le dire, Il accepte de porter sur Lui notre tristesse, notre misère, notre angoisse. Nous savons que nous sommes la joie de Dieu parce que Dieu a souffert pour nous. Nous savons que nous sommes la vie de Dieu, parce que Dieu est mort pour nous. C’est le grand mystère de l’amour par lequel Dieu s’unit comme Epoux à chacun de nous, surtout à ceux et celles qui, aujourd’hui comme toujours, se sentent délaissés et abandonnés.

En regardant le Crucifié, comme le fera Marie sur le Calvaire, nous découvrons que rien ne peut plus interrompre la joie des noces. Rien ne peut plus venir à nous manquer.
Nous sommes toute la joie de notre Dieu.
Sera-t-Il davantage la nôtre ?

 

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