Chanoine François Roten, à l’Abbaye de St-Maurice, VS, le 3 avril 2005. Lectures bibliques : Actes 2, 42-47; 1 Pierre 1, 3-9; Jean 20, 19-31 – Année A |
« La paix soit avec vous »
Par trois fois c’est le souhait de Jésus ressuscité à ses disciples réunis, toutes portes closes, la peur au ventre et le doute les poursuivant…
Et que font-ils, ces disciples ? Ils doivent se poser des questions. Car divers faits sont venu conforter peu à peu cette idée que Jésus est vivant.
Il y a eu d’abord le témoignage des femmes qui affirment avoir trouvé le tombeau vide et vu le Seigneur (Jn 20); Pierre et Jean ont pu constater qu’en effet Jésus n’est plus dans son tombeau (ibid.). Mais alors où est-il ? Pourquoi s’est-il montré à des femmes et non pas aux apôtres ? Si bien que la peur subsiste et l’ambiguïté. Voilà pourquoi ils se sont prudemment verrouillés comme pour un conciliabule clandestin. La peur…
Derrière ce portes closes, il y a des disciples – et spécialement parmi eux, les apôtres, qui ne doivent pas être très fiers de leur comportement. Jésus avait annoncé sa mort et sa résurrection – et eux n’ont pas trop cru…
A l’heure de la Passion, tous se sont enfuis. Au prétoire, Pierre est même allé jusqu’à renier Jésus : « Je ne connais pas cet homme »(Mc 14,71). Au pied de la croix, il n’y avait que Jean à rester avec Marie et quelques femmes (Jn 19,25ss). Tous les autres n’ont même pas osé se montrer, ils s’enfuient, ils se cachent.
« C’est par crainte des Juifs », nous dit l’évangile. Et on se souvient en effet de la menace qui plane sur ceux qui croient en Jésus : être mis au ban de la société. Une menace que Jésus lui-même avait d’ailleurs confirmée : « on vous exclura des synagogues » (Jn 16,2) et même viendra un temps « ou celui qui vous fera périr croira présenter un sacrifice à Dieu » (ibid.)
Oui, la peur des Juifs, la peur de la persécution, la peur de s’engager… et malheureusement pour eux, les apôtres se trouvent pris entre deux feux, condamnés quoiqu’ils fassent à être vus comme des impies, des disciples d’un crucifié ; en effet :
– Soit Jésus n’est pas ressuscité et les juifs vont les accuser d’avoir volé son corps, puisque le tombeau est vide ;
– Soit Jésus est ressuscité et alors il leur faudra à leur tour passer par la Croix. Car il y a des paroles du Seigneur qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd : « Un jour, vous boirez, comme moi, le calice » (Mt 20,23)…
Et, bien qu’ils n’aient – à l’exception de Jean – assisté à la Passion que de loin, les apôtres ont une idée de ce qui les attend…
Ils ont peur du présent, peur du futur ; ils ne savent que croire, ils doutent, ils hésitent…
Et voici que Jésus est au milieu de ses apôtres, comme ça, tout d’un coup, comme sans faire de déplacement, comme s’il était là depuis toujours mais qu’on ne l’ai simplement pas aperçu ; la présence de Jésus ne craint plus les barrières et les portes closes : Jésus, dans son corps glorifié, instaure un monde nouveau, dont il est le centre ; c’est ainsi qu’il peut affirmer « Je suis toujours avec vous jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,29) ; ou encore « lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20).
Une fois sa présence révélée parmi eux, Jésus souhaite la paix à ses disciples, à ses apôtres. Il ne leur reproche pas leur manque de foi, leurs doutes, leurs craintes, leurs faiblesses ; il ne leur reproche même pas de l’avoir abandonné, délaissé, renié… Il les prend là où ils sont pour les conduire plus loin, plus haut, là où lui, le Seigneur, le veut.
Et nous savons que les apôtres suivront le Christ jusqu’à verser leur sang pour lui en témoignage – à l’exception de saint Jean, tiens, celui-là même qui fut le seul à rester avec son Maître jusqu’à la Croix, le seul qui n’a pas été martyrisé, peut-être parce qu’il avait déjà porté témoignage pour le Christ au pied de la Croix.
Oui, mes sœurs, mes frères, Jésus ne nous demande pas des choses au-dessus de nos forces : avec sollicitude et miséricorde, une miséricorde infinie, il vient nous chercher au cœur de nos vies, dans le terre à terre de notre quotidien pour nous élever, nous mener plus haut, donner à notre vie un dimension nouvelle d’enfant de Dieu sauvé par l’amour et la miséricorde de la Trinité sainte.
Ce que nous sommes, ce que nous avons fait dans notre vie, ce que nous vivons n’a aucune espèce d’importance : Jésus vient nous prendre tels que nous sommes. Il nous invite à lui répondre en toute liberté, pour qu’il puisse faire chez nous sa demeure.
Voilà l’invitation de la liturgie de notre Pâque : accueillir la présence du Christ avec les mots extraordinaires de Thomas l’incrédule devenu croyant jusqu’au martyr : « MON SEIGNEUR ET MON DIEU ».