Messe du 28ème dimanche ordinaire

 


Mgr Joseph Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 15 octobre 2006
Lectures bibliques : Sagesse 7, 7-11; Hébreux 4, 12-13; Marc 10, 17-30 – Année B

L’avoir et l’être

Bien chers frères et sœurs, chères auditrices, chers auditeurs,

Un chameau peut-il passer par le trou d’une aiguille ? Voilà bien une image parlante et inoubliable de Jésus, prédicateur populaire. On a envie d’ajouter en plaisantant : ce n’est peut-être pas le trou de l’aiguille qui est trop petit, c’est le chameau qui est trop gros.

Image parlante, disais-je, alors que dit-elle ? Que pour entrer dans le royaume des cieux, il faut se faire petit, être libéré de tout chargement, de tout le fardeau des biens matériels. En effet, qu’emporterons-nous le jour de notre mort?

Un point fort de la prédication de Jésus
Nous touchons là un point très fort de la prédication de Jésus: le détachement des richesses matérielles. L’attachement immodéré à l’argent, voilà un point sur lequel Jésus revient souvent. Voilà un signe de la pratique de l’évangile ou non. Oû est le vrai bonheur ?

Les scandales financiers dont nos journaux sont remplis sont des signes d’une société matérialiste où seul compte le profit. On a l’impression que le sommet du bonheur c’est l’augmentation du chiffre d’affaires, l’augmentation du bénéfice. Il n’est que de voir la publication sans vergogne des bénéfices de certains organismes en fin d’année pour voir où notre société place ses valeurs.

Le regard critique du chrétien
Face à cet étalage du profit, de la société dite de consommation, le chrétien ne doit pas se contenter de critiquer, voire de condamner, il a un message à apporter.

Message de justice tout d’abord. L’argent est avant tout un salaire, il est le fruit d’un travail et non d’une spéculation seulement. On a certes besoin de fonds pour entreprendre et les placements bancaires, dans notre système du moins, permettent des investissements pour le bien des hommes. Ces jours-ci on a reconnu la valeur des petits crédits au Bangladesh. Mais il y a une honnêteté transparente, un contrôle étatique qui doit éviter les abus, les profits malhonnêtes, les injustices. S’il y a injustice, le chrétien doit dénoncer. Jésus a proclamé heureux ceux qui ont faim et soif de justice. Cela suppose d’oser prendre position pour sauvegarder les droits du travailleur, de la famille, de l’honnêteté et du service.

Message de solidarité et de partage, ensuite. Car les richesses sont mal réparties parce que le travail est aussi mal réparti. Il semble, dans cette société à deux vitesses, que les uns doivent de plus en plus travailler alors que d’autres sont mis au chômage. Il y a des pauvres chez nous. Il y en a aussi et surtout au loin. Les distances ne comptent plus beaucoup aujourd’hui et la solidarité nous invite à partager par des actions bien concrètes.

Dimanche prochain, par exemple, à l’occasion du dimanche de la mission universelle de notre Eglise, les catholiques du monde entier sont invités au partage avec leurs frères et sœurs les plus pauvres. Et là, nous savons où va l’argent: des missionnaires de chez nous sont sur place et peuvent voir l’utilisation faite de nos dons. Les Œuvres Pontificales missionnaires sont un organisme international qui touche tous les diocèses du monde et ont leurs moyens de vérification d’utilisation judicieuse des dons.

Mais il n’y a pas que le partage matériel : il y a aussi le partage spirituel d’une foi commune aux chrétiens. Il y a tout près de nous le partage du temps, du sourire, d’une parole, de la joie, de la bonne nouvelle, d’un service rendu gratuitement. Il y a le partage des options pastorales par des rencontres où l’on se parle face à face sans oublier l’option préférentielle pour les pauvres.

Message d’espérance que doit proclamer le chrétien par le partage d’une espérance à offrir aux peuples qui cherchent leur salut. Et cela ne se calcule pas en sommes d’argent. On a beau redire que l’argent ne fait pas le bonheur, on l’oublie si facilement. Les vraies valeurs ne sont pas quantifiables. Elles sont qualifiables. Le jour où nous mourrons, ce que l’on retiendra de nous ce n’est pas ce que nous aurons possédé, mais ce que nous aurons été.

Message d’amour à porter à nos frères et soeurs. Que voulez-vous que pense de nous un homme qui arrive d’un pays de l’est où les magasins sont vides? Que doit penser un homme qui arrive d’un pays de la famine quand il entre dans un de nos super-marchés? Il y a une forme d’insulte à la pauvreté dans nos étalages. Saint Vincent de Paul disait qu’on doit se faire pardonner par les pauvres le pain que nous leur donnons.

Evangile du jour
Dans l’évangile de ce jour, il y a un enseignement très fort de Jésus à propos du jeune homme riche. Jésus n’est pas contre sa richesse. Ce jeune homme est très bien. Il n’a rien fait de mal, au contraire, il observe les commandements. Mais il n’est pas heureux, il a peur de perdre ses biens.

Jésus le regarde avec amour. Il perçoit sa tristesse et lui offre une issue vers le bonheur. “Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi!” On a là, la définition de la morale. Il n’est pas question de permis et de défendu. Il est question de bonheur. Qu’est-ce que tu vas mettre en place pour être heureux et rendre heureux ? Voilà la question fondamentale.

Devant le départ du jeune homme riche, Jésus regarde autour de lui et fait la remarque sur la difficulté à entrer dans le royaume et il prend la comparaison du chameau et de l’aiguille. Constatant l’étonnement des disciples devant les exigences du salut, il les regarde aussi et dit : “Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu; car tout est possible à Dieu”

Parole étrange et presque désabusée de Jésus. La réponse se trouvait déjà dans le livre de la Sagesse “A côté de la sagesse, j’ai tenu pour rien la richesse. … Je l’ai aimée plus que la santé et que la beauté” La Sagesse, voilà ce que l’on doit aimer et rechercher, même sur son lit de malade. Ce sont souvent les personnes qui souffrent qui nous apprennent la sagesse. Merci, frères et sœurs malades, de nous rappeler les valeurs essentielles, le sens même de la vie.

S’il est une valeur à découvrir, à redécouvrir en notre époque, ce sera bien la sagesse. C’est elle qui donne le goût de vivre. Au terme d’une année de réflexion et de prières en Suisse pour des vocations au service de l’Eglise, quel jeune entendra cet appel ?

Nul doute que l’évangile de ce jour qui interpelle fortement un jeune homme riche et finalement nous-mêmes, ne voudrait pas nous laisser repartir d’ici tristes parce que nous avons de grands biens, mais joyeux parce qu’habités par une sagesse, une espérance qui peut se résumer ainsi : mieux vaut l’être que l’avoir.

Mieux vaut suivre joyeusement le Christ pauvre que préférer tristement ses propres richesses matérielles.
Amen.

 

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