Messe du 23e dimanche ordinaire

 

 

Abbé Rémy Berchier, au Monastère de la Visitation, Fribourg, le 8 septembre 2002.

Lectures bibliques : Ezéchiel 33, 7-9; Romains 13, 8-10; Matthieu 18, 15-20

Frères et Sœurs, chers amis prisonniers,
chers amis malades ou en route,

Toute relation humaine, qu’elle se vive au sein d’une famille, d’une société, d’une communauté monastique ou religieuse, d’une communauté paroissiale, d’une équipe de travail, de l’Eglise, toute relation humaine, si elle veut être constructive, épanouissante, témoin, libératrice, se doit d’être basée sur l’amour ! Ce que nous venons d’entendre nous le confirme. Une fois de plus nous constatons la force de l’amour de Dieu dans un cœur d’homme; la force de l’amour de Dieu au sein de son Eglise ! Et dans la logique de Jésus, l’accom-plissement de l’amour passe par l’attention et la priorité données aux petits et aux faibles et par le pardon mutuel. Juste avant ce passage, saint Matthieu relatait la parabole de la brebis perdue où Jésus concluait : « Votre Père qui est aux cieux veut qu’aucun de ces petits ne se perde. » Dès lors, un devoir de vigilance et de pardon est confié à chacun de nous depuis notre baptême, moment où nous partageons, nous participons à la dignité du Christ Prêtre, Prophète et Roi ! Ezéchiel nous invite à être des guetteurs et Jésus à être des artisans et des témoins de pardon ! Cette double mission ne peut réussir que si elle est basée sur l’amour ! Et nous le savons, pour qu’il y aie amour, il faut d’abord : apprivoisement, créer des liens, dialogue, connaissance, confiance, pour arriver à se sentir responsable de l’autre : « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé » dira le renard au Petit Prince d’Antoine de St-Exupéry. Et en plus, lorsque deux ou trois sont réunis au nom de Jésus, tout change, tout bascule ! Cela devient une assemblée de Dieu, cela devient l’Eglise avec l’amour comme ligne de vie, avec le Christ mort et ressuscité pour donner la vie, annoncer la miséricorde et le pardon !

Il y a quelques temps, je visitais dans une paroisse, un groupe de confirmands afin de les connaître pour leur transmettre le sacrement. Ils rentraient d’un week-end de préparation. Durant ce temps fort de leur parcours de belles choses se sont vécues, mais malheureusement aussi des dérapages qui ont provoqués des blessures et des tensions au sein du groupe. Bien sûr le programme de la soirée fut bouleversé et la priorité fut accordée au pardon et à son cheminement ! J’ai beaucoup observé le curé et les animateurs et ils m’ont, par leur attitude et leurs paroles, propulsé au cœur des textes de ce jour. Ils ont été « guetteurs » comme l’entendent Ezéchiel et Jésus ! Guetteur d’abord parce qu’à l’écoute de la Parole de Dieu et soucieux de la mettre en pratique. Guetteur non pas pour surveiller ou épier ! Mais guetteur plein d’amour, chargé de lire l’histoire pour en découvrir les signes d’espérance ! Guetteur non pas en s’érigeant en saint qui veut relever un pécheur, mais bien plus en pécheur, bien plus grand peut-être que l’autre, qui veut donner la main à un autre pécheur pour s’en sortir ! Guetteur pour sauver parce que sinon il y a non-assistance à personne en danger ! Guetteur, parce que Dieu nous a créés responsables les uns les autres, créés pour vivre ensemble ! Alors guetteur pour assurer la vie du peuple et son unité ! Voilà tout ce qu’ont fait ces animateurs qui se sont réunis, qui ont prié ensemble, qui ont longuement réfléchi avant d’agir et de parler.

Puis Jésus propose 3 degrés dans la démarche de fraternité : seul à seul pour ne pas élargir la blessure, pour sauver la dignité, le respect et toujours pour aimer ! Puis 2 ou 3 personnes, pour avoir des témoins certes, mais aussi et surtout pour donner cette autre dimension, là où tout change : « quand 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ! » Et enfin s’il n’y a toujours pas d’écoute : l’Eglise, corps du Christ, unie par l’amour qui se renforce encore pour plus aimer le pécheur. Ne perdons jamais de vue la parabole qui précède : la brebis perdue ! N’oublions pas non plus que le seul pouvoir dans l’Eglise, c’est l’amour ! Avec saint Paul rappelons-nous que l’Amour ne fait rien de mal au prochain et que la plénitude de la loi c’est l’amour !

L’attitude que l’Evangile nous propose consiste à accueillir le pécheur en profondeur : tellement l’entourer d’amour que sa vie s’impose à lui de l’intérieur et est déjà engloutie dans l’amour. Un amour sauveur, celui de Jésus. Il s’agit bien de transmettre une parole, qui ne blesse jamais, qui n’humilie pas, ne condamne pas, ne décourage pas, mais rend courage, construit, jette inlassablement les erreurs et les blessures volontaires dans le brasier de la miséricorde de Dieu. Jésus demande à chacun de nous, aujourd’hui, d’être témoin et signe évident du pardon et de la tendresse miséricordieuse de Dieu, Artisan de la Paix, pasteur d’amour avec un regard qui veut toujours sauver, relever et voir en l’autre le beau – le grand – le bon – le sacré. Et le but recherché dans tout cela, au-delà de l’amour, est la communauté à promouvoir, à construire, à sauver et cela tant au niveau ecclésial que mondial !

Là encore j’admire les animateurs et les confirmands rencontrés il y a quelques temps. L’équipe d’animation a d’abord rencontré les jeunes responsables des dérapages. Avec eux, ils ont cherché un chemin de pardon, un signe de pardon, une démarche. Puis avec tous les confirmands, ils ont repris très positivement, évangéliquement avec amour, respect et humilité, les choses, et un premier geste concret de pardon a été vécu spontanément. Ensuite après un temps de fraternisation, une célébration, à l’église, avec leurs parents a été intensément vécue. Un geste de paix lourd de sens et de beauté a précédé l’écoute de la Parole de Dieu. J’ai pu constater et vivre la force de l’Amour de Dieu au cœur de l’Eglise !

Frère et sœur, qui que tu sois, malade ou en route, à la maison et à l’écoute, toi sœur de cette communauté de la Visitation, avec sainte Thérèse de l’Enfant Jésus je t’invite à être « au cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’Amour, ainsi je serai tout ! » et rappelle toi : « Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé ! »

Bonne route sur les chemins de l’Amour !

Amen.

 

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