Messe du 21ème dimanche ordinaire

 

Père Louis Crausaz, au monastère de la Visitation Ste-Marie, Fribourg, , le 26 août 2001
Lectures bibliques : Isaïe 66, 18-21; Hébreux 12, 5-13; Luc 13, 22-30

Vous qui êtes ici et vous qui êtes au loin,
Le texte que nous venons d’entendre pose bien des questions ! Et pourtant, il s’agit d’une réponse ! La question posée est : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » Ce qui veut dire : est-ce que je serai sauvé, moi ? est-ce que les êtres qui me sont chers seront sauvés ? Est-ce que tous ces hommes et toutes ces femmes et tous ces enfants exploités et dépouillés de toute dignité n’auront donc jamais rien de la vie ? Il faut le reconnaître, la question est angoissante Elle mérite une vraie réponse !

Or la réponse de Jésus n’est pas claire. Il n’y a pas de réponse claire à cette question. Dans toutes les religions, on trouve des mouvements qui prétendent offrir des réponses claires. Justement, parmi les auditeurs de Jésus, il y avait des gens très religieux qui s’imposaient tout un ensemble de pratiques à faire ou à éviter pour être sauvés. Or, cela les empêche d’accueillir Jésus comme sauveur. De plus, leur générosité les amène à se croire meilleurs que les autres et à exclure tout un monde du salut de Dieu. Dans le texte que nous venons de lire, Jésus leur fait comprendre qu’ils sont les derniers alors qu’ils croyaient être les premiers et même qu’ils risquent de ne pas pouvoir passer la porte du Royaume. Jésus leur parle de pleurs et de grincements de dents.

Pourtant, la condition pour être sauvés est simple, elle est à la portée de tous. Elle consiste avant tout dans une attitude du cœur. Un cœur qui se tourne vers Dieu, dans la foi et dans l’amour. Un cœur qui cherche Dieu, pour accueillir sa présence et sa joie. Un fruit privilégié de cette présence est l’accueil des autres, dans le respect, le service, le pardon, l’amour réel, sans exclusion.

Parce qu’il s’agit d’une attitude du cœur, Jésus passe beaucoup de temps à enseigner. Il explique la conduite de son Père et les mouvements de notre cœur qui correspondent à son action ou qui s’y opposent. Il invente des paraboles pour nous permettre d’entrer dans le dynamisme de ces réalités qui échappent à notre prise. Dieu ne nous donne pas des ordres à exécuter, il nous fait entrer dans une sagesse, dans une vision de la vie. En la méditant jour et nuit, elle devient lumière et joie pour le cœur (Ps 4, 8 ; 36, 31 ; 96, 11 ; 11, 4 ; 118, 2, 32).

Dans la réponse de Jésus, nous sommes tentés de nous laisser arrêter par la porte étroite. Mais le texte se termine par cette affirmation : « Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu ». Le texte d’Isaïe que nous avons entendu en première lecture va dans le même sens. L’accès est donc ouvert. Ailleurs Jésus nous dit : « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » non pas pour exclure les imparfaits mais il explique : « votre Père fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber la pluie sur les justes et les injustes » Donc il ne fixe pas de limites. Et il conclut, faites de même, « aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs. » Jésus nous dit encore : « on ne veut pas chez votre Père qu’un seul de ces petits ne se perde » ! C’est donc cela, la volonté de Dieu, qu’aucun ne se perde, même pas le plus petit. Il se compare au pasteur qui va à la recherche de la brebis perdue, jusqu’à ce qu’il la trouve. Il ajoute qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repend que pour des justes qui n’ont pas besoin de repentance. St Paul affirme à Tite que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (Ti. 2,4). Notre Dieu est vraiment un Dieu sauveur

Et les chemins pour accueillir le salut de Dieu sont très divers. Le premier, c’est la foi ! Dans l’Evangile, il s’agit d’un acte de confiance et non pas de la récitation de vérités abstraites. Jésus parle aussi de faire la vérité et d’aller vers la lumière. C’est à la fois très précis et très ouvert. Il affirme qu’au Jugement dernier il dira aux élus: « venez les bénis de mon Père, car j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais malade et prisonnier, vous êtes venus me voir »… Et Jésus ajoute que les élus seront étonnés : « mais quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, soif, être nu ou prisonnier… Le salut est donc surprenant, même pour ceux qui sont sauvés

Reste pourtant la grande affirmation : « efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ». Que faut-il en penser ? Je crois que si forte que soit la volonté de Dieu de nous sauver, si grande que soit sa générosité, il ne peut pas nous réduire à un rôle de consommateurs ni d’assistés. Le salut de Dieu fait parcourir à l’homme un chemin de libération qui met en valeur sa dignité mais qui est un parcours personnel, unique, dans la solitude. Il peut être très dur. Jésus lui-même est passé par là. Lorsqu’il accepte l’invitation de Zachée, il se rend libre par rapport aux réactions des gens pieux. Mais lorsque Zachée donne la moitié de ses biens aux pauvres, c’est lui qui se rend libre par rapport aux autres riches qui vont le traiter de fou. Le jeune homme riche, lui, ne passe pas la porte, même s’il observe tous les commandements. De même le frère aîné, il ne rentre pas dans la maison pour participer à la fête, malgré les supplications de son père, même si, jusque là, il n’a jamais désobéi à un seul de ses ordres. Jésus se rend libre aussi lorsqu’il accepte les gestes de tendresse de la pécheresse pendant le repas chez Simon, mais c’est aussi la pécheresse qui se rend libre pour oser entrer dans la salle du repas et aller baiser les pieds de Jésus. La porte étroite, Jésus la passe surtout lorsqu’il entre en agonie au jardin des oliviers. Lui, le fort, tombe la face contre terre et a besoin du soutien de ses amis. Or il les trouve endormis. Lui, le Fils bien-aimé doit lutter avec la dernière énergie pour mettre sa volonté en accord avec celle du Père. Sur la croix, il met sa vie et son œuvre entre les mains du Père pour sauver le monde, alors qu’on se moque de lui parce qu’il n’est pas capable de se sauver lui-même.

Nous pouvons écouter et lire les témoignages de tant de saints et de saintes, mais aussi de tant d’hommes et de femmes dans l’Eglise ainsi que dans le monde. Ils grandissent en liberté à travers la méditation et la prière, mais aussi à travers des luttes et des épreuves qui les dépassent. Tout ce qui se vit en nous et autour de nous pour promouvoir la dignité des hommes et la liberté intérieure nous ouvre au salut de Dieu.

C’est en méditant l’exemple de Jésus et de ceux qui lui ressemblent que nous accepterons de passer par la porte étroite pour prendre part à la joie du festin et retrouver la multitude de nos sœurs et de nos frères humains. Amen

 

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