Messe du 20ème dimanche ordinaire

 

Mgr Pierre Farine, le 17 août 2008, à la chapelle de Notre-Dame de Tours, Cousset (FR)
Lectures bibliques : Isaïe 56, 1.6-7; Romains 11, 13-15.29-32;
Matthieu 15, 21-28 – Année A

Frères et sœurs bien aimés,

Il y a donc cette Cananéenne. Non seulement elle m’est très sympathique, mais je la trouve extraordinaire.
Et Jésus s’émerveille devant sa foi. Pourquoi n’en ferions pas autant ?
C’est une femme de la région, « de ces régions » Tyr et Sidon, une étrangère, nous dit l’évangile. Elle ne porte pas de nom. C’est sans doute fait exprès. Cela évite le culte de la personnalité. Mais cela indique surtout que c’est une femme du peuple, une fille de Dieu, une personne qui souffre à cause de la maladie de sa fille et qui cherche à faire face par tous les moyens y compris le recours au Christ pour se sortir de là.
En un mot, elle est vous, elle est moi. Ce qui lui arrive peut arriver à tout le monde.

Ce qu’en fait j’admire le plus chez elle : c’est qu’elle avait une seule idée derrière la tête et elle est allé droit au but, coûte que coûte. A aucun moment elle ne fait un retour en arrière. Elle ne s’avoue pas vaincue lorsque le Christ lui fait une réponse pas très sympathique et je cite : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens » Cela veut dire en d’autres mots : j’ai d’abord à m’occuper d’autres choses, d’autres gens. Attends donc un peu. Tu viendras après.
Dimanche dernier nous avions une autre figure celle de Pierre, qui aussi s’était élancé vers le Christ avec la même fougue et le même cri : Viens à mon secours. A un moment donné il a peur de se voir marcher sur les flots et il commence à sombrer. Jésus lui avait reproché son manque de foi. Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?

Ici rien de tel. On a l’impression que la foi de la Cananéenne est dure comme le fer et d’une seule pièce.

Ce qui est aussi admirable chez elle, c’est le ton presque jubilatoire de sa réponse quand le Christ lui oppose une fin de non recevoir : « C’est vrai Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Elle se contente de miettes : elle accepte d’être comme des petits chiens.

Elle rappelle ainsi au Christ que les plus petits et les plus éloignés, donc les petits chiens, ont aussi droit à sa nourriture, ils ont aussi accès au Royaume. L’amour du Christ et son influence sont universels. Ne dit-on pas que le soleil de Dieu brille sur les justes et les injustes.

Tout dans cet évangile et beau et élégant.
Voyez la manière dont cette femme aborde le Christ. Elle commence par lui dire : « Aie pitié de moi ». C’est sans doute la meilleure façon de se présenter devant Dieu. Que pouvons en effet faire valoir devant le Christ sinon que nous sommes de pauvres pécheurs, que devant lui nous sommes toujours des débiteurs, que sans son secours nous finissons par être encore moins que rien. D’où ce cri venu des profondeurs : « J’implore ta pitié »  C’est ce que nous avons fait dès le début de cette eucharistie :  » Seigneur prends pitié ».

Ayant reconnu sa misère elle dit la grandeur de Jésus : Tu es le Fils de David. Elle le reconnaît de la lignée de David donc comme  Seigneur Dieu, fils de Dieu.

Puis elle expose avec discrétion sa détresse. Elle la dit. Elle la présente. Elle dit ce qui fait son tourment. Dans cette petite phrase elle exprime qu’elle s’en remet totalement à lui. On a l’impression qu’elle n’a même pas la force de demander la guérison. Elle s’abandonne et elle abandonne sa douleur au Christ.

« Viens à mon secours »,  Seigneur viens à mon aide, Seigneur à notre secours. Quand nous prions le bréviaire, la prière des jours, nous nous commençons toujours par : « Dieu viens à mon aide. Seigneur à notre secours ». J’avoue que souvent nous le récitons machinalement. Le secours du Seigneur est essentiel : sans le secours du Christ la guérison de la fille de cette femme n’aurait pas pu se faire.
Mieux encore la prière même de cette femme n’aurait pas pu être formulée. Elle n’aurait pas su dire sa prière, trouver non seulement les mots justes mais les attitudes adéquates qui d’abord reconnaissent la grandeur de Dieu et aussi notre petitesse, notre misère.
Quand nous disons : Viens à notre secours, c’est un acte de foi que nous exprimons dans le concret de notre vie et  nous le redisons avec la communauté de manière liturgique et avec toute la force de notre conviction le dimanche à la messe. Nous croyons en Jésus Christ notre Seigneur qui est né de la vierge Marie, sous entendu il est notre secours, le seul.

Viens à notre secours, c’est le cri de toute personne. C’est vrai, parfois il est comme étouffé. Etouffé parce que les soucis qui sont très réels l’amortissent, parce qu’une détresse ou une souffrance est trop forte, parce que la maladie nous engourdit.
Il est aussi étouffé parce que les angoisses et les préoccupations de notre vie – la vie de personne n’est facile – nous mettent sur d’autres chemins, dans d’autres paysages.
Etouffé aussi parce qu’il y a notre péché. Une des plus grandes tentations demeure celle de croire que nous n’avons pas besoin de secours du Seigneur et qu’en fait il n’est qu’une illusion puisqu’il ne résout pas tous nos problèmes. N’empêche que tout au fond de nous il y a sinon un jaillissement de lumière du moins des traces de lumière déposées là par la main puissante de Dieu : la foi, la lumière de la foi qui nous porte vers Dieu.

Frères et sœurs : je ne sais pas si votre foi est grande, si la mienne l’est. Ce que je sais c’est que nous nous présentons ce matin devant Dieu et avec l’aide de la Cananéenne nous l’en supplions : « Augmente en nous la foi ».
Amen

 

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