Messe du 19ème dimanche ordinaire

 

 

Don Claudio Mottini, à l’église S. Antonio, Locarno, le 12 août 2001

Lectures bibliques : Sagesse 18, 6-9; Hébreux 11, 1-19; Luc 12, 32-48

Il fait nuit. Le maître est parti et a laissé ses serviteurs. Il fait nuit. C’est le moment de l’épreuve. Les serviteurs ont reçu une ample marge d’autonomie et d’action. Chacun d’eux s’est mis à l’œuvre selon son style, plongé dans le quotidien. C’est ce qui arrive à nous tous. On organise notre temps. On assume une façon particulière de faire et d’être. De toute façon, l’absence du maître est de longue durée.

Mais il revient. En effet, tout à coup le maître est là, devant ses serviteurs. Seront-ils prêts à le recevoir ? On remarque en premier lieu que le maître ne demande pas ce qu’ils ont fait, combien de choses ont-ils réalisées. Mais, ont-ils été vigilants, réveillés, confiants dans l’attente ? La vigilance, en effet, est attente agissante, attention pleine d’amour, engagement personnel qui ouvre les portes.

L’image de la parabole de Jésus se concentre sur le désir par lequel toute la vie du disciple est élan vers son Seigneur. Souvent dans nos vies ce désir est éteint ou caché sous tant d’autres choses, bien qu’il puisse se manifester parfois d’une façon si intense, qu’on n’arrive pas à le contenir.

Où est Dieu et où puis-je trouver le Seigneur de ma vie ? Personne n’est plus réaliste que le Seigneur. Il sait que notre cœur est pris par le souci de ce qui est le plus concret dans nos vies : la santé, notre famille, notre personne, nos biens. Mais il continue de nous rappeler une dimension plus profonde, qui ne peut pas être remplie par ces réalités. C’est la dimension qui nous rend capables de lui appartenir et donc d’aimer. Par elle, nous dépassons le niveau des bons sentiments et nous réalisons une disponibilité totale et concrète à la venue du Seigneur.

Le psaume nous a permis de renouveler dans ce sens la réponse de notre foi : Heureux le peuple qui appartient à Dieu. C’est grâce à cette appartenance que nous pouvons dire avec sainte Thérèse d’Avila : Que rien ne te trouble, que rien ne te rende triste. Tout passe. Dieu ne change pas. La patience obtient tout. À qui a Dieu, rien ne manque, Dieu seul lui suffit.

Ainsi, la vraie vigilance ne vise pas tellement les choses à faire, mais la personne qu’on attend. Alors, si nous nous rendons compte que notre cœur demeure près du Seigneur, rien n’est plus fort en nous que le besoin d’être là où le Seigneur se manifeste, aujourd’hui, grâce aux nombreux signes de sa présence : dans la Parole, dans les Sacrements, dans l’Eglise, dans les événements les plus humbles et quotidiens de notre vie.

En définitive, il est toujours question de foi et d’amour primant l’activité extérieure. Nous retrouvons ici la bonne part choisie par Marie, toujours un peu oubliée par Marthe. Nous retrouvons la foi vraie d’Abraham et de Sara, qui s’abandonnent entièrement à Dieu et partent vers l’inconnu. C’est une confiance inconditionnée, une foi – comme le dit la deuxième lecture – qui est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas (Hé 11,1). Un vrai modèle pour nous ! Il ne s’agit pas simplement d’un saut dans le vide, car, en prononçant sa promesse à Abraham, Dieu donne en même temps son aide, en annonçant la fécondité de son amour, il manifeste sa fidélité, qui un jour aura le visage humain de son Fils, Jésus. La foi ne nous paralyse pas. Elle nous met toujours en marche. Elle nous fait traverser la nuit, dans l’attente et la vigilance. Elle fait de notre vie un voyage de libération vers la terre promise.

En effet, c’est notre condition de nomade qu’il nous faut retrouver, un départ qui a comme seule garantie le Dieu qui s’est montré comme digne de notre confiance. C’est l’attitude du pèlerin, de celui qui attend ses reins ceints et ses lampes allumées, qui nous rendra capables de saisir le moment de la rencontre avec le maître qui vient; l’attitude de celui qui reste éveillé, sans se laisser éblouir par les fausses lumières des idoles du pouvoir, de la richesse, du plaisir. Il nous faut retrouver une fraîcheur de regard qui ne sait plus se contenter de la monotonie des formules, de l’anonymat des gestes, de la vacuité de nos soucis; une capacité de lire d’unœil nouveau toute notre vie, toute notre histoire, et de la découvrir tissée par les fils d’or du dessein d’amour que Dieu a sur nous. C’est ainsi que l’ouverture au Royaume et le témoignage à l’Évangile peut devenir effectivement le sens même de notre vie de chaque jour. Le seul risque est de s’attarder dans la considération de toutes les difficultés possibles, de nous construire des alibis et, finalement, de nous déclarer satisfaits de l’immédiat en oubliant l’essentiel.

Il fait nuit, comme je disais au début, et combien de fois dans nos vies nous sommes obligés de le constater. Mais la foi est comme une colonne de feu dans la nuit et nous conduit par sa lumière ineffable à la rencontre du Christ. Ce n’est pas toujours évident. Souvent le sommeil de la fatigue ou de nos refus d’amour pèse sur nos paupières. Que l’Amour même nous réveille et nous rende des voyants, joyeux et persévérants !

 

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