Chanoine Joseph Voutaz, le 3 août 2008, à l’hospice du Gd-St-Bernard, VS Lectures bibliques : Isaïe 55, 1-3; Romains 8, 35.37-39; Matthieu 14, 13-21 – Année A |
Chers pèlerins, chers auditeurs,
Le thème de notre pèlerinage, c’est l’invitation à la joie vraie, celle qui vient du plus profond de nous-mêmes, celle qui vient de Dieu.
Hier soir à la veillée, nous avons médité sur les mystères joyeux : Marie s’y fait notre pédagogue de la joie. Elle nous apprend la joie, elle nous la donne.
Aujourd’hui, j’aimerais encore lire avec vous cet évangile sous l’angle de la joie. Dans cette page, la multiplication des pains, je vois comme trois occasions pour Dieu – et pour nous – de se réjouir.
Le premier motif de joie, c’est de voir que Dieu compte sur nous, et que nous avons du prix à ses yeux. Il ne fait pas son miracle « en solo », mais il compte sur ses disciples : « donnez-leur vous-mêmes à manger ! » C’est beau de voir que le Seigneur veut avoir besoin des hommes. Nous sommes tous utiles aux yeux de Dieu. Il n’y a personne ici ce matin, qui soit un poids mort pour le Seigneur ! Vous aussi qui nous écoutez, vous avez toutes et tous votre place dans le plan de Dieu. Je pense en particulier à vous les malades, les personnes âgées. Par votre prière et votre vie donnée, votre témoignage, vous êtes aussi appelés à donner de la part de Dieu à la grande foule humaine de quoi vivre et de quoi espérer.
La deuxième occasion de joie, c’est de voir que Dieu fait à partir de ce que nous avons et ce que nous sommes. Dans l’évangile, le point de départ du miracle, c’est les cinq pains et deux poissons. A partir de cette quantité très modeste, Jésus va faire naître une abondance inouïe.
Dans notre cœur aussi, nous pouvons avoir l’impression que nos dons et nos talents sont modestes. Souvent nous faisons l’expérience de notre pauvreté. C’est là aussi le miracle : Dieu se sert de ce qui en nous est faible et petit pour construire son royaume. Je cite ici le texte éclairant de Marie-Noël, une mystique française, qui nous rappelle que Dieu construit avec nos « riens ».
– Vous voilà, mon Dieu. Vous me cherchiez? Que me voulez-vous ? Je n’ai rien à Vous donner. Depuis notre dernière rencontre, je n’ai rien mis de côté pour Vous. Rien… pas une bonne action. J’étais trop lasse. Rien… pas une bonne parole. J’étais trop triste. Rien que le dégoût de vivre, l’ennui, la stérilité.
– Donne !
– La hâte, chaque jour, de voir la journée finie, sans servir à rien; le désir de repos loin du devoir et des oeuvres, le détachement du bien à faire, le dégoût de Vous, ô mon Dieu !
– Donne !
– La torpeur de l’âme, le remords de ma mollesse et la mollesse plus forte que le remords…
– Donne !
– Des troubles, des épouvantes, des doutes …
– Donne !
– Seigneur, voilà que, comme un chiffonnier, Vous allez ramasser des déchets, des immondices. Qu’en voulez-Vous faire, Seigneur ?
– Le Royaume des Cieux !
La troisième joie de l’évangile, c’est de voir combien le don de Dieu est abondant. Le Seigneur ne calcule jamais, il offre toujours en surabondance. C’est vrai pour le miracle des pains, c’est vrai aussi pour chacune de nos vies. Quand Dieu donne, il donne toujours de trop. La surabondance est le signe de l’amour gratuit et infini de Dieu.
Isaïe, dans la première lecture, nous l’a magnifiquement rappelé :
« Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! venez acheter et consommer, sans argent et sans rien payer ! Je ferai avec vous une alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance ! »
Nous sommes appelés à nous réjouir des innombrables bienfaits de Dieu, et à être témoin de la surabondance de sa grâce dans chacune de nos vies !
A la fin de ce pèlerinage, j’aimerais reprendre la question qui est le thème du pèlerinage, et sur laquelle nous avons réfléchi au long de ces deux jours : Réjouis-toi de vivre… est-ce toujours possible de se réjouir ? Il me semble que la réponse à la question de la joie, c’est l’amour de Dieu pour nous. Dans chacune de nos vies, il y a eu et il y aura des passages difficiles, des questions qui restent ouvertes, des choses que nous ne comprenons pas pleinement. Mais tout s’illumine lorsque nous faisons confiance à l’amour de Dieu. A la suite de saint Paul, nous pouvons proclamer : « le Christ m’a aimé, et il s’est livré pour moi ». L’assurance d’être aimé par Dieu, indéfectiblement, est le fondement de notre joie. Dieu nous aime bien plus que nous osons l’imaginer ou l’espérer.
Aussi, avec saint Paul, nous sommes invités à redire ce que nous avons entendu dans la deuxième lecture : « Qui pourra nous séparer de l’amour de Dieu ? Les événements de ce monde ? les crises de mon histoire personnelle ? Les souffrances que je traverse ? Non, car en tout cela, nous sommes les grands vainqueurs, grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : rien ni personne ne pourra me séparer de l’amour de Dieu. »
C’est cet amour que nous allons célébrer maintenant dans l’eucharistie : qu’il nous guérisse de toute peur, et nous élève vers la joie du ciel. AMEN !