Messe du 18ème dimanche ordinaire

 

Chanoine Hilaire Tornay, à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, le 31 juillet 2005

Lectures bibliques : Isaïe 55, 1-3; Romains 8, 35-39; Matthieu 14, 13-21 – Année A

Le pain pour la route.

La Parole de Dieu qui nous est offerte ce dimanche est marquée par une grande unité. Le prophète Isaïe adresse de la part de Dieu une très large et pressante invitation à tous ceux qui ont soif et faim : « Prêtez l’oreille ! Venez à moi et vous vivrez ».

Ce qui est encore caché dans la prophétie et la Promesse est pleinement dévoilé dans le Nouveau Testament. Aujourd’hui Jésus multiplie le pain et rassasie toute le monde qui se trouve près de lui.

Il n’est pas difficile de laisser cette Parole descendre dans nos cœurs pour les nourrir, comme le pain pour la route. D’abord reconnaître nos soifs, nos faims profondes. C’est le temps favorable pour en prendre nouvellement conscience, ne pas nous en distraire, ne pas vouloir les tromper par de fausses nourritures.

Isaïe insiste : « Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, pourquoi vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? ». On le voit, la condition première pour être sensible à l’appel de Dieu c’est d’avoir soif et faim. « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ».

L’invitation sera évidemment boudée par les repus et les gavés. Seuls les cœurs de pauvres vont l’entendre. Au seuil de la Nouvelle Alliance, la Vierge Marie en a la parfaite intuition dans son chant de louange : « Le Seigneur comble de biens les affamés, les riches il les renvoie les mains vides ».

Quelles sont nos soifs, quelles sont nos faims que Dieu désire si vivement combler ?

Tous, j’en suis sûr, nous aspirons à savoir aimer en vérité, à être vraiment reconnus et aimés en retour, tous nous voulons sincèrement la paix, le juste partage des biens de la terre, l’équité… « Heureux les affamés de justice, ils seront rassasiés ».

Nous devons bien admettre que nous sommes capables de repérer ces attentes plus ou moins enfouies dans nos existences, nous les ressentons le plus souvent comme des désirs douloureux que nous ne sommes pas en mesure d’exaucer par nos propres forces. C’est pourquoi nous accueillons avec joie la certitude que c’est Dieu lui-même qui les a déposées en nous dans le dessein d’y répondre pleinement. Et comment va-t-il s’y prendre ? En se donnant lui-même à ses créatures.

Ce Don de Dieu, comme il était inimaginable, est sans prix, il ne peut être qu’absolument gratuit : « Même si vous n’avez pas d’argent venez acheter et consommer, venez, sans rien payer ».

La gratuité est la couleur même du bonheur total, du bonheur qu’on ne pourra pas contenir, on entrera plutôt en lui à cause de sa surabondance, dont l’évangile nous offre maintenant un pressentiment.

Les révélations de Dieu par le Christ Jésus viennent toujours à la rencontre de nos misères, de nos indigences. Celles-ci sont pour Jésus l’occasion de manifester sa gloire à travers des signes éclatants. Comme aux noces de Cana – son premier signe – il n’y avait plus de vin, et il se trouve qu’ensuite le vin déborde de toutes parts, il y en a trop. Pareillement ici, qu’est-ce que cinq pains et deux poissons pour tant de monde ? Et après le rassasiement de milliers de personnes, il en reste encore des corbeilles !

La multiplication des pains par Jésus est une annonce très claire de l’Eucharistie. Jésus y prépare lointainement ses disciples ainsi que ceux qui croiront en lui à la vue des signes qu’il accomplit.

Déjà nous avons pu noter que les verbes « manger » et « boire » sont plus que présents dans la prophétie d’Isaïe. Selon l’évangile, Jésus prit les pains et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction, il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule. Ce sont les gestes mêmes du soir de la dernière Cène.

Comment ne pas penser Jésus déjà tout habité par l’amour qui lui fera inventer la façon de se donner aux siens sous forme de nourriture et de boisson ? Bien sûr, ce mode pour Dieu de se donner comme un pain pour la route convient maintenant à notre condition terrestre de pèlerins en chemin vers la patrie. Mais c’est déjà le Don parfait de Dieu. S’il ne nous en avait pas fait un commandement : « Prenez et mangez, ceci est mon Corps, prenez et buvez, ceci est mon Sang », qui oserait s’approcher de ce qui est sans doute le plus bouleversant mystère de la foi ?

Amen.

 

 

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