Chanoine Jean-Marie Lovey, le 1er août 2004, à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS Lectures bibliques : Ecclésiaste 1, 2 ; 2, 21-23; Colossiens 3, 1-11; Luc 12, 13-21 |
Que vais-je faire ? – Je ne sais pas… (Luc 12,17).
Voilà la question qui est au cœur de notre Evangile de ce jour. Question bien légitime. Question qui a probablement réveillé chacun d’entre nous à certains carrefours de nos histoires. Combien de jeunes et de moins jeunes sont préoccupés, pour ne pas dire angoissés devant cette question : Que vais-je faire ? Nous sentons bien que, de la réponse que nous donnons à cette question, peut dépendre l’orientation de toute une vie.
Le garçon dont le cœur a été éveillé à sa vraie capacité d’aimer par la rencontre d’un autre cœur aimant se dit légitimement en lui-même: Que vais-je faire ? Et sa bien-aimée ne peut se satisfaire, à longueur de temps d’un » je ne sais pas… »
Et ces enfants, ces grands adolescents, ces jeunes, hommes ou femmes qui ont investi tant d’années dans des formations professionnelles, formations secondaires, universitaires et qui arrivent avec l’enthousiasme de leur 20 ans, la générosité de leur jeunesse sur le marché de l’emploi engorgé, bouché, comment la question de ce jour ne les habiterait pas ?
Nous pourrions évoquer encore nos aînés qu’à 62 ou 65 ans on met en marge du travail, avec 25 ans d’ espérance de vie devant eux et toujours cette question lancinante : Que vais-je faire ?
Il y a dans cette assemblée des personnes qui ont marché toute une semaine en montagne; d’autres, parties hier matin du Val Ferret voisin, se sont faits pèlerins, guidés par la même Parole de Dieu. A la lumière de cette Parole qui nous a accompagnés et de celle que nous venons d’entendre, nous allons –chacun- nous resituer à l’instant précis de nos choix fondamentaux. Face au Que vais-je faire ? d’une existence, comprenons quel est le rôle de la Parole de Dieu. La Bible n’étant pas un livre de recette, nous n’irons pas chercher une réponse toute faite dans une page ouverte au hasard. Respectons la Parole pour ce qu’elle est: Parole de Dieu ! Un Dieu non pas de hasard, mais de nécessité, vitale.
Il est nécessaire que nos choix de vie soient éclairés par la Parole de Dieu. Si la Parole de Dieu n’informe plus (au sens premier de donner une forme spécifique) si elle n’informe plus nos choix, nos vies, pouvons-nous encore prétendre être chrétiens ?
La Parole de Dieu qui a accompagné les pèlerins est celle qui accompagnait les Hébreux lors de leur longue marche à travers le désert et cette Parole avait proprement la forme d’un Rocher.
« Je t’aime Seigneur, ma force, mon Roc, ma Citadelle… » avons-nous chanté et prié tout au long du pèlerinage. Saint Paul nous a redit que nos ancêtres ont tous bu un breuvage spirituel, ils ont bu au même Rocher qui les accompagnait et ce Rocher c’était le Christ.( I.Cor.10,4)
Le Roc solide sur lequel je peux fonder ma vie, appuyer mes choix, c’est le Seigneur.
A la question Que vais-je faire ? l’Evangile ne donne pas de réponse préfabriquée. Il invite simplement de ne pas faire comme si Dieu n’existait pas. Ce serait là une attitude insensée. Le fou a dit dans son cœur : Dieu n’existe pas…(Ps 52) Le fou de l’Evangile s’est vu traité ainsi parce que, en rien, ni jamais, il n’a pris en compte la présence de Dieu dans la réponse à ses questions. Comme nous sommes terriblement contemporains de ce fou de l’Evangile ! Je vais construire de nouveaux greniers. J’entasserai tout mon blé, tout ce que je possède. Je me dirai à moi-même : Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence. (v.18-19)
Mais y a -t-il encore un peu de place pour Dieu dans une vie qui n’est que repli sur soi-même ?
Trop de chrétiens vivent comme si Dieu n’existait pas ! Comme si le Christ n’était pas ressuscité ! Or saint Paul vient de nous rappeler que si la Résurrection du Christ a une consistance pour nous, alors, soyons logiques : Recherchons les réalités d’en haut. Tendons vers les réalités d’en haut… et non vers celles de la terre. (Col.3,2)
Honnêtement, quelle place faisons-nous dans notre quotidien à ces réalités d’en haut ? Il y en a une parmi elles qui les surpasse toutes, qui demeurera quand tous nos greniers seront vides, que nos réserves auront disparu, c’est la charité. Une charité qui peut se vérifier dans les plus humbles gestes. Cette charité qui a forgé les grand destins des Apôtres, des Prophètes, des Martyrs, des Saints de tous les temps. Ils ont su fonder leur existence ailleurs que sur la réussite sociale ou économique. Ils ont su miser sur le Christ, leur Roc. Voulons-nous être des leurs, Église de Jésus ? Ils ont prêté l’oreille à cette Parole du Psaume et l’ont méditée : Quand les richesses s’accroissent, n’y attachez pas votre cœur. (62,10) Alors ils ont décidé qu’ils seraient riches en vue de Dieu. (v.21)
C’est bien là la pierre angulaire sur laquelle ils ont construit leur existence.
Tels sont les François d’Assise de toujours épousant Dame pauvreté. Tel était saint Ignace de Loyola, fêté hier, lui qui disait dans sa prière :
» Reçois Seigneur toute ma liberté. Accepte ma mémoire, toute mon intelligence et toute ma volonté. Tout ce que je possède, tu me l’as donné je te le rends totalement et j’en abandonne désormais le gouvernement à ta volonté. Donne-moi seulement de t’aimer avec ta grâce et je suis assez riche et je ne demande rien de plus. »
Riche en vue de Dieu. Riche de l’Amour que Dieu me manifeste.
Riche de l’Amour que je peux lui témoigner.
Riche de l’Amour que je dépense autour de moi.
Ce qui donne du poids à l’homme, c’est sa foi en Dieu et non pas l’accumulation de l’avoir.
Sa Foi et son Amour. « Amor meus, pondus meum », disait saint Augustin. C’est mon amour qui est ma valeur, mon poids , mon centre de gravité.
Alors : Que vais-je faire ? – Bâtir ma vie selon l’esprit de l’Evangile. Pour cela il me faudra bien laisser la Parole de Dieu entrer en moi. Celle d’aujourd’hui se résume dans ce verset du Psaume : Dieu sera toujours le Rocher de mon cœur et ma part d’héritage (Ps 72,26).
En ce jour de Fête Nationale nous nous souvenons avec reconnaissance de nos ancêtres qui ont eu le projet d’un pacte fédéral et qui n’ont pas eu honte de bâtir le pays que nous habitons aujourd’hui : Au nom du Dieu Tout Puissant
Amen