Chanoine Jean Scarcella, à l’abbaye de St-Maurice, le 13 juillet 2003. Lectures bibliques : Amos 7, 12-15; Ephésiens 1, 3-14; Marc 6, 7-13 |
Mes soeurs, mes frères,
Partir… partir pour proclamer la Bonne Nouvelle et en appeler à la conversion… partir pour témoigner d’une conviction ferment de vie, partir pour exercer une responsabilité nouvellement reçue… Partir… Oui, mais d’où ? De quoi ? De qui… partir …
C’est vrai, on ne part pas de nulle part quand on part !… On quitte un lieu, on prend congé d’un groupe humain auquel on appartient, on se détache.
Aujourd’hui Jésus détache ses amis deux par deux pour les envoyer en mission. Aujourd’hui ils deviennent, pour la première fois, des apôtres, des envoyés. Ce cercle d’intimes autour du Christ semble se briser… au contraire, il éclot et va porter du fruit ! Cette communauté première dans l’histoire de l’Eglise devient plus nécessaire que jamais. On ne peut partir de rien ni de nulle part. Ici les apôtres partent à partir de la communauté qu’ils forment, car l’annonce de l’Evangile nécessite l’appui et la garantie d’une communauté qui vérifie et authentifie le message. Et, pour couronner le tout, le Seigneur Jésus envoie ses disciples deux par deux. Ce mode de travail en duo n’est pas un détail secondaire; être deux va donner du poids au témoignage. Si, à cette époque, seule la parole concordante de deux témoins était recevable, aujourd’hui encore on aime appliquer ce type de vérification.
A l’image des apôtres, frères et soeurs, Jésus nous envoie, encore aujourd’hui. Chrétiens, qui que nous soyons, d’où que nous venions, nous sommes tous des envoyés. Et peu importe le lieu d’où nous partons, pourvu qu’il soit fondateur pour cette démarche, c’est-à-dire qu’il soit une communauté d’Eglise. Car c’est toute l’Eglise qui est en marche, c’est l’Eglise entière, ce peuple de Dieu, qui est appelé à la mission. Et aujourd’hui encore! La mission comme témoignage de vie, la mission comme partage de la joie de croire, la mission comme héritage d’une Parole de vie! La mission, frères et soeurs… la mission qui est une vocation.
Jésus appelle les douze et les envoie deux par deux. Jésus appelle chacun de nous et nous envoie, deux par deux, c’est-à-dire prêts à témoigner de l’amitié qui naît de sa Parole, du bonheur de vivre la fraternité chrétienne, prêts à témoigner de la véracité de notre foi et de notre attachement à l’Eglise, notre Mère. C’est à l’amour que les chrétiens sont capables de partager entre eux qu’on les reconnaîtra fils de Dieu, frères de Jésus. Là est notre vocation, frères et soeurs!
N’agissons pas en franc-tireurs, faisant du témoignage une affaire personnelle. Le témoignage doit toujours pouvoir s’appuyer sur le lieu de vie d’où nous partons, parce que là nous vivons, là nous nous ressourçons dans la prière et la louange, là nous nous nourrissons du corps eucharistié du Christ; ce lieu de vie : nos communautés! Qu’elles soient paroissiales, familiales, religieuses, chorales, de quartier, de campagne, à l’hôpital, dans un EMS.
A nous d’accepter de travailler et de témoigner ensemble en ne jouant pas au démarcheur qui, venant à domicile ou dans la rue, se prétend authentique représentant de Dieu lui-même, mais en laissant l’Esprit nous envoyer sur les routes du monde, c’est-à-dire celles de nos vies. Le prophète Amos était bouvier, derrière le troupeau qu’il gardait… Dieu l’a envoyé devant, à la barbe d’Amazias qui se prétendait prophète. Autant de situations que nous vivons chaque jour encore ! Laissons-nous envoyer, être des relais de nos communautés chrétiennes là où nous sommes, et même sur un lit d’hôpital ou dans la solitude d’un petit logement, car nous pouvons nous appuyer sur le Christ, notre Rocher, dont la communauté des baptisés est le Corps.
Oui, allons-y, frères et soeurs, vivons au quotidien cette parole d’amour que Jésus nous a laissée. Avec nos petits moyens. Il faut croire aux moyens pauvres! Jésus avait donné à ses apôtres cette consigne de ne rien emporter sinon ce qui est nécessaire pour beaucoup se déplacer: un bâton et des sandales. Ne traduisons pas cela par des ordinateurs, imprimantes ou téléphones portables… mais par accueil, service, compassion, simplicité dans les relations humaines, solidarité concrète, joie, partage… Plus nous serons « allégés », plus ce que nous avons à vivre et à annoncer aura de poids. Et la Parole de salut qui doit convertir le monde ne sera pas lourde à porter, si nous nous laissons porter par elle ! Elle seule va agir, sans moyens artificiels, afin que le monde comprenne que c’est Dieu qui agit par ses envoyés.
Jésus n’a rien à vendre ni à marchander… ne trompons pas notre monde, laissons Jésus partir lui-même en visite. Et nous, baptisés, constitués représentants du Christ, allons-y, sans nous décourager! Proclamer une parole de conversion n’est pas tâche facile. Jésus avait averti les siens du non accueil possible, du rejet. Le refus ne doit pas nous rebuter, mais nous inviter à aller plus loin sans porter de jugement sur quiconque ne pourrait recevoir cette Parole. C’est le sens du geste de secouer la poussière de ses pieds!
Dès avant la création du monde, nous rappelait saint Paul, Dieu veut le bonheur de l’homme choisi pour partager sa vie. Tout l’univers est saisi dans le Christ et, dans ce saisissement, tout homme a sa place. Allons donc toujours plus loin, prêts à tous les recommencements patients. Allons dans la paix du Christ, car c’est l’Eucharistie qui nous envoie en mission.
Ainsi-soit-il