Messe du 14e dimanche ordinaire

 

Mgr Joseph Roduit, abbaye de Saint-Maurice, le 7 juillet 2002

Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10; Romains 8, 9-13; Matthieu 11, 25-30

Révélé aux tout-petits : Introduction

Comment se fait-il qu’il y ait des gens très intelligents, des sages, des savants qui sont incroyants, alors qu’il y a des gens très simples, des tout-petits qui ont une foi remarquable? Serait-ce que la foi est réservée aux naïfs, alors que les gens intelligents seraient normalement incroyants ! On ne peut l’admettre car on rencontre des croyants et des incroyants dans les deux camps.
Il y a de grands savants qui sont de grands croyants comme il y a des gens pourvus de peu d’intelligence qui sont peu croyants. Si la foi était affaire d’intelligence, personne ne voudrait passer pour imbécile et se déclarerait croyant. Si la foi est une sottise, personne ne voudrait passer pour sot et s’empresserait de se déclarer incroyant.
Non la foi n’est pas qu’une affaire d’intelligence. Mais il y a une intelligence de la foi. La foi est d’un autre ordre. Un peu comme la joie et l’amour, la foi suppose une certaine intelligence mais n’en est pas dépendante. Qui pourrait dire qu’un savant serait plus joyeux qu’une personne toute simple ? Qui pourrait dire qu’un savant sait mieux aimer qu’une personne qui a fait peu d’études?

L’humilité de la foi
La foi est d’abord une attitude d’humilité. Jésus vit dans un climat de tension et d’échec. Jean-Baptiste le précurseur est emprisonné et envoie des disciples demander à Jésus: « Es-tu le Messie ou devons-nous en attendre un autre? » Ses contemporains ont refusé Jean parce qu’il est trop ascète. Ils refusent Jésus parce qu’il est trop bon-vivant. Les villes du bord du lac de Tiériade n’ont pas accueilli le message de Jésus pourtant appuyé par des miracles.
Il y a de quoi se poser des questions et se décourager. Or c’est à ce moment-là que jaillit cette prière appelée l’hymne de jubilation.
« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange.
Ce que tu as caché aux sages et aux savants,
t u l’as révélé aux tout-petits »
On y retrouve les accents du Magnificat. « Il a renversé les puissants de leur trône, il a élevé les humbles. Il a comblé de biens les affamés, il a renvoyé les riches les mains vides  »

La prière de jubilation
La prière de jubilation commence par une expression très familiale: « Père ». C’est le même mot que dans le Notre Père. Cela révèle une grande intimité entre Jésus et son Père. Mais aussitôt il ajoute Seigneur du ciel et de la terre pour bien situer la transcendance de Dieu. C’est ce que nous disons dans le Credo: Je crois en Dieu le Père, mais il est aussi le Tout Puissant. C’est ce qu’on appelle l’immanence et la transcendance de Dieu. Dieu est tout autant au fond de mon coeur, dans mon intimité que régissant le ciel et la terre.

La louange
La prière de Jésus continue : Je proclame ta louange. Même au coeur de la difficulté, devant le refus de son message, Jésus proclame la louange. Il y a là pour nous un modèle de prière. Au coeur même de nos soucis et de nos problèmes, nous sommes aussi d’abord invités à louer. Cela paraît impossible parfois, mais c’est une profonde attitude de foi. Ou bien Dieu s’occupe de nous et c’est pour notre bien et alors on peut le louer. Ou alors, il ne s’occupe pas de nous et nous n’y croyons plus.
Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.
Il y a des choses que même les sages et les savants ne veulent ou ne peuvent pas comprendre. Cela Dieu le Père l’a révélé aux tout-petits. Révélé signifie littéralement enlever le voile qui cachait la réalité. Non pas que Jésus remercie le Père de l’échec de sa prédication auprès des savants de l’époque, comprenez les scribes, mais il remercie pour l’accueil des gens simples.
Ce n’est pas une condamnation de l’intelligence, c’est une mise en garde pour ceux qui croient tout savoir.
La foi n’est pas à mettre en conflit avec l’intelligence. Elle est une autre dimension de l’être. L’intelligence est limitée à ce monde et est incapable de percevoir par ses propres lumières rationnelles, le Royaume des cieux.
Ce n’est pas parce qu’on est licencié ou docteur, agrégé ou polytechnicien que l’on va forcément mieux réussir son mariage, par exemple ou être plus heureux.
En amour, il faut être ouvert et généreux. Pour être heureux, il faut être accessible aux joies les plus simples. Ainsi, pour croire il faut beaucoup de simplicité de coeur.

Venez à moi vous tous qui peinez.
Jésus va d’ailleurs révéler le Père à celui qui l’accueille au coeur de ses soucis et de ses problèmes.
« Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous procurerai le repos »
Qui ne se sent pas un jour ou l’autre et plus souvent qu’à son tour, chargé de fardeaux lourds à porter ?
Fardeaux quotidiens des soucis de famille, de travail, de communauté !
Fardeaux des mésententes ou de simples difficultés de dialogues !
Poids de la solitude, du mépris, des infirmités et des fatigues !
Poids de son propre caractère qui ne semble guère s’améliorer !
De ses défauts que l’on fait peser sur les autres ! De ses mauvaises habitudes dont on n’arrive pas à se défaire ! Poids de ses péchés toujours recommencés malgré les meilleures résolutions !
Jésus n’enlève pas ces fardeaux, il promet simplement le repos.

Le joug
Mieux, il nous propose une manière de les porter. De même que le boeuf peut tirer plus facilement un char ou une charrue grâce au joug installé sur son cou, ainsi, Jésus propose un joug. Le joug d’ailleurs se met sur deux boeufs pour qu’ils tirent ensemble. Ainsi Jésus se met avec nous pour porter les poids de la vie dans un même effort.
« Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples
car je suis doux et humble de coeur ».
Jésus a proclamé heureux les doux. Ne dit-on pas que la douceur est la fine fleur de la charité ?
Quant à l’humilité elle est le signe même de Dieu : il ne s’impose pas. Dieu, par humilité prend le risque de laisser croire à son inexistence plutôt que de s’imposer à l’homme. Telle est l’humilité de Dieu qu’elle nous invite aussi à être humble. Mais cela est une affaire de coeur. Voilà lâché un mot essentiel. Il s’agit d’y aller avec son coeur.
Dès lors, il peut le dire : mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. Le fardeau reste un fardeau mais il en devient plus léger. Cela fait penser à cet enfant africain qui portait avec peine un enfant presque aussi grand que lui dans ses bras. Le missionnaire de lui dire : Tu portes un bien lourd fardeau. Et l’enfant de répondre : Ce n¹est pas un fardeau, c’est mon petit frère !

Conclusion
Il est temps de conclure, non sans avoir rappelé ce que saint Paul disait dans la seconde lecture de ce jour : vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit. Pour le chrétien qui se laisse conduire par l’Esprit, la vision des choses est autre et les fardeaux en deviennent plus légers.
Nous admirons tous et avec raison les sages et les savants, l’évangile nous invite à regarder surtout les simples et les tout-petits. Il y a chez eux des accents de la foi qui forcent notre admiration. Et surtout n’oublions pas le joug de l’amour : c’est lui qui nous donne la force de porter les fardeaux même les plus lourds. Amen.

 

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