Messe du 12e dimanche ordinaire

 

 

Chanoine Olivier Roduit, à l’abbaye de Saint-Maurice, le 25 juin 2000

Lectures bibliques : Ex 24, 3-8; He 9, 11-15; Mc 14, 12-26

Frères et sœurs,
Combien de fois avez-vous déjà entendu parler de Jésus ? Avez-vous déjà essayé de compter le nombre d’homélies entendues, le nombre de leçons de catéchisme, de prières et de célébrations auxquelles vous avez déjà assisté. Combien souvent avez-vous lu un livre ou un article présentant la personne du Christ ?

Nous devrions donc bien le connaître, ce Jésus, et pourtant nous nous posons toujours la même question que les disciples : « Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Qui est-il donc celui qui semble dormir au fond de notre mémoire ?
Lorsque je demande à nos grands étudiants du collège de proposer des thèmes de réflexion pour leur retraite à l’Hospice du Simplon, la première réaction est : « Surtout pas de Dieu, on en a assez entendu parler ». Mais curieusement, il y a finalement souvent beaucoup de questions révélant leur désir d’en savoir un peu plus sur leur Dieu.

La vie du chrétien est une vie de recherche et de désir, une longue attente de la rencontre du Seigneur. Mais toujours le doute sème le trouble dans notre âme. Comment croire en ce Dieu tout à la fois si lointain et si proche ?

Aux premiers jours de notre vie, nous avons reçu le baptême, puis les autres sacrements. Nous prions Dieu, nous l’invoquons, nous faisons brûler des bougies dans les églises. Mais nous avons tant de peine à mettre vraiment toute notre confiance en Lui.
Et voilà que Jésus nous invite aujourd’hui à embarquer avec lui, nous pauvres croyants, toujours en recherche ! Passons sur l’autre rive ! nous dit-il. Jusqu’ici nous avons parlé, réfléchi, calculé. Maintenant il s’agit d’expérimenter une présence et d’en vivre. Le plus long pèlerinage, nous disent les habitués de ces démarches de foi, c’est de passer de la tête au cœur, c’est de vivre avec notre âme ce que nous connaissons par notre intelligence.

Cet évangile de la tempête apaisée, nous l’avons entendu plus d’une fois et nous connaissons ses interprétations traditionnelles. Nous savons que la mer symbolise toutes les forces du mal. Nous nous rappelons que Jonas a été englouti dans les flots, préfigurant la mort et la résurrection de Jésus. Nous rapprochons facilement l’angoisse des disciples dans la barque aux tourments qu’ils connaîtront le vendredi saint lorsque le Christ s’endormira du sommeil de la mort. Cette barque en détresse a souvent symbolisé l’Église triomphant de tous les tourments de l’histoire.

Mais nos connaissances du milieu biblique nous font douter de la détresse des apôtres. Plusieurs étaient pêcheurs professionnels et connaissaient donc bien ce fort vent qui se lève sur le lac dès la mi-journée. Ceux qui ont eu la chance, comme moi, de faire la traversée du lac en bateau n’ont certainement pas craint le naufrage, s’amusant plutôt à se faire gicler par les vagues.

Pourquoi donc cette terrible anxiété des apôtres ? Étaient-ils donc plus craintifs que nous ? Nous qui sommes parfois complètement désemparés alors même que nous avons mis tous nos atouts de notre côté. Oui, nous l’expérimentons aussi, même hors de tout danger, nous ne pouvons pas ne pas ressentir une certaine angoisse lorsque la tempête arrive et que la nature se déchaîne. Il n’est pas nécessaire d’être pris dans un brouillard à couper au couteau pour que nos certitudes soient dangereusement ébranlées.

Et nous savons ce qu’il en coûte à notre jeunesse de vivre dans un monde sans pères ni repères. Nous connaissons les terribles difficultés personnelles et relationnelles qu’entraîne une éducation sans un amour qui sait poser de solides limites. Pourquoi donc le suicide est-il la première cause de mortalité de nos jeunes ?

Sus à la crainte, osons donc la confiance ! Croyants, baptisés, nous voguons dans la barque du Christ. Ne craignons donc ces difficultés qui donnent du relief à l’existence et permettent, malgré tout, de grandir et d’avancer.

Abandonnons théories pessimistes, alarmistes, défaitistes et autres vains discours pour plonger dans l’amour. Le Christ vient encore et toujours à notre rencontre. Il nous invite à passer sur l’autre rive de notre personnalité, celle qui est exposée au soleil de l’amour divin, cette partie surnaturelle de nous-mêmes qui nous intrigue tant.

C’était dans cette basilique, lors d’un concert de gala de la Fête fédérale de chant. Entrés au rythme d’un magnifique chant de procession les chanteurs avaient pris place. La directrice prend alors la parole : « Nous ne sommes pas des chanteurs, nous sommes des toxicos ! … Et nous chantons parce que nous savons que le chant guérit l’âme et qu’il nous faut d’abord guérir l’âme. » La tempête n’a-t-elle pas fait terriblement rage dans la vie de ces jeunes toxicomanes. Mais depuis qu’ils se sont décidés à passer sur l’autre rive, c’est une belle et longue Aurore qui s’annonce pour eux. Et ce fut pour les auditeurs, bien plus qu’un magnifique concert, comme l’aurore d’un jour nouveau au soleil de la présence rayonnante du Christ qui apaise toute tempête.
Amen

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