Abbé Jean-Robert Allaz, basilique Notre-Dame, Lausanne, le 25 décembre 2005 Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14 – Année B |
Mes frères, mes sœurs et mes amis,
Pourquoi sommes-nous montés si nombreux en cette nuit, au cœur de notre ville, à la Basilique ?
A cause d’un tout petit enfant, dont la fragilité de la naissance révélera l’immensité de l’amour de Dieu. Cette nuit, à Bethléem il y a plus de 2’000 ans, Dieu s’est mis une fois de plus de notre côté, Il nous a envoyé son Fils, le Messie attendu, l’Emmanuel « Dieu avec nous ».
Comme pour tout anniversaire, il faut remonter aux sources ! Isaïe nous rendra ce service racontant comment « ce peuple qui marchait dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière» et nous faisant découvrir comment Noël se révèle la fête d’une immense espérance.
Les ténèbres de l’ancien Testament existent encore aujourd’hui : portant le nom de guerres, de souffrances physiques ou morales, de séparations, d’échecs… Et comme pour Marie et Joseph, dans leur pauvreté, des requérants et des réfugiés frappent toujours vainement aux portes de l’auberge helvétique. Pour cela, nous continuerons encore longtemps – jusqu’à la fin des temps – de célébrer la naissance de Jésus, dans son attente comme dans sa venue.
Car, poursuit Isaïe, l’allégresse et la joie ont remplacé les ténèbres. Nous comprenons alors mieux le caractère très festif de cette Messe de Minuit avec tant de lumières, tant de musique et de chants, ceux du Chœur et les nôtres remplaçant les anges de Bethléem, les servants de Messe avec l’encens – ce parfum venu tout droit d’orient – et même les Gardes Suisses, clin d’œil avec le Pape Benoît XVI célébrant lui aussi cette Messe de Minuit à la Basilique Saint Pierre de Rome. Bethléem, Rome, Lausanne : partout la Bonne Nouvelle est proclamée cette nuit.
Puis, Saint Paul nous fait ensuite dépasser le côté merveilleux de cet anniversaire et nous amène à une réflexion hautement théologique, nous disant que «la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous ». De statut de pauvres pécheurs, nous devenons des sauvés. C’est d’ailleurs le prénom de l’enfant : Jésus, qui signifie : Sauveur ! Dans son immense amour et sa grande miséricorde, Dieu nous a tendu la main – Michelange, l’a si bien représenté sur une fresque de la Chapelle Sixtine, où le doigt de Dieu rejoint celui de l’homme – c’est le Mystère de l’Incarnation – celui du Fils de Dieu fait homme – venu prendre la température de notre monde – qui nous fait déjà cheminer vers celui de la Rédemption – où Dieu sauve l’homme.
Décidément, elle n’est pas comme les autres, cette nuit de Noël ! A la lumière de l’Evangile de Saint Luc, je vous propose maintenant de nous faire bergers et de nous rendre à la crèche. L’étable de Bethléem était bien sûr plus simple et plus pauvre que la magnifique crèche faite par le sacristain à la Basilique Notre-Dame. Mais puisque Dieu scrute le fond des cœurs, c’est le nôtre que nous ouvrons et présentons à la crèche cette nuit. Les bergers n’étaient pas de grands savants ni d’éminents théologiens : ils avaient la foi, une grande humilité et beaucoup d’amour. Avisés par les anges, ils n’ont émis aucun doute et sont venus adorer le Fils de Dieu. Imitant leur attitude, nous rejoignons et contemplons la grandeur de Dieu, à travers la fragilité d’un nouveau-né. Vous comprendrez mieux aussi pourquoi, dans la tradition de la foi catholique, la vie est si sacrée, aimée et respectée, de la naissance à la mort.
Jésus est venu pour chacun de nous, heureux et reconnaissants de l’être, ou, malheureux et ployant sous le poids du fardeau. Je ne peux m’empêcher de penser aux magazines d’un kiosque à journaux de notre quartier, où une paroissienne me faisait remarquer le titre sur fond d’or de l’un : les 300 plus riches de Suisse, et sur un autre journal et un fond de carton «les 300’000 plus pauvres de Suisse ». Et dire que Jésus – en bon Sauveur – est venu pour les uns et les autres ! Il aura une réponse pour les uns et les autres, ouvrant les cœurs des uns au partage – il y a eu de nombreux signes tout au long de l’Avent : action du catéchisme pour des enfants irakiens, repas des isolés, visites, offrandes et dons de la Joie partagée. Il y aura encore l’offrande à l’offertoire -, et à travers les cœurs généreux permettant aux pauvres de retrouver une vie digne et décente.
Et je ne doute pas, qu’au fond du cœur de chacun, Jésus a encore quelque chose de plus personnel à dire ou à mettre, parole qui dérange et enrichit à la fois. Je vous invite une fois de plus à vivre la première des Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux ». C’est ainsi que vous comprendrez le Mystère de cette nuit de Noël.
Amen