Messe de la fête fédérale d’action de grâce

 

Abbé Philippe Chèvre, à la paroisse catholique de langue française de Berne, le 17 septembre 2006
Lectures bibliques : Isaïe 50, 5-9; Jacques 2, 14-18; Marc 8, 25-35 – Année B

Pour vous, qui suis-je ?
Pierre prend la parole et répond : Tu es le Messie.
Mc 8, 28

Par le sang ou l’adoption, j’appartiens à une famille, Mais avant tout, je suis une personne inaliénable : La chose étonnante, la merveille que je suis. (Ps 139, 14)

Peut-être suis-je membre d’un parti politique. Avant les mots d’ordre, mon choix personnel, cohérent et convaincu, prime. Thomas d’Aquin rappelait déjà la priorité du choix personnel, au risque de se tromper. Une adhésion fausse se corrige. Un embrigadement affaiblit, asservit et déshumanise.

Je participe peut-être à la vie d’une religion. Telle ou telle sagesse m’est très chère. La pensée unique y est destructrice pour la personne, insupportable pour l’entourage.

Chrétien, membre de l’Eglise qui est le corps lumineux du Christ en devenir, – il y a encore beaucoup de pain sur la planche – lorsque je confesse la foi de la Communauté, je ne dis pas : Nous croyons…, mais : Je crois en Dieu.

Le Verbe éternel est là à l’origine du monde. Il façonne les peuples et le peuple choisi à travers l’histoire. Il nous éclaire dans l’Evangile. Il parle à ceux qui, sans le connaître, cherchent et s’engagent avec droiture et vérité, c’est-à-dire lorsque leurs paroles et leurs actions les font grandir et font grandir le prochain. Il y a des critères. Je ne peux pas louer Dieu, quel que soit son nom, chercher mon bien et en même temps souhaiter l’extermination de l’autre, parce qu’il est autre.

Pour vous, qui suis-je ? Pierre prend la parole et répond : Tu es le Messie. (Mc 8, 28)

Et toi, sœur, frère, que réponds-tu hic et nunc, ici et maintenant ?

Aujourd’hui, la montée de la misère provoque de grands mouvements migratoires, bouscule nos habitudes et nous interroge.

Nous vivons dans des Etats de droit. Les parlements d’Europe légifèrent. Je pense à l’Espagne. Les exécutifs gouvernent. La société organise l’accueil et limite les abus. Doit-elle durcir ses lois, sachant que la lutte contre des demandes d’asile abusives – il y en a, nous en connaissons – va de pair avec une écoute des requêtes attentive, respectueuse, rapide, et compétente, et une aide accrue au développement économique et culturel ? Il y a tant d’ignorance !

Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. (Mc 2, 27) La personne d’abord, les lois ensuite.

Tu nous dis Seigneur, ici et maintenant :

Vos solennités… je suis las de les supporter…Apprenez à faire le bien. Recherchez la justice. (Is 1, 14.17)

Nos sacrifices ? Des mises en scène raffinées ? Non. Un engagement convaincu pour la gloire de Dieu au ciel, gloire qui est la paix sur la terre.

Lorsque je vais communier, je me lève et je m’avance. Ce geste m’engage. Je ne viens pas recevoir la Parole pour me souvenir de vieilles lunes, mais pour vivre le présent avec intensité et préparer l’avenir du monde qui nous est confié. Je viens recevoir le Verbe de Dieu, proclamé dans la liturgie et par le cri du pauvre. Suis-je conséquent ?

Pour toi, qui suis-je?

Celui qui dit à chaque personne : Découvre et proclame la chose étonnante, la merveille que [tu es]. (Ps 139, 14)

Une merveille, allons donc !

Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit. (Is 42, 3)

Notre peuple, grand et généreux, n’est pas sans déficiences, graves parfois.

Avec nos règles d’eugénisme culturel, recherchant le vrai Suisse, et une politique familiale peureuse et faible, nous tuons les forces vives nécessaires à l’avenir de la nation elle-même.

Pour toi, qui suis-je ?

Celui qui me dit dans la liturgie de ce jour :

Qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera. (Mc 8, 35)

Frère, sœur, engage-toi jusqu’au bout, à l’image du Christ.

Citoyen d’une terre aimée, que pourrais-je répondre dans une année, fête fédérale d’action de grâce 2007 : Kyrie eleison, pitié Seigneur, car j’ai péché contre le ciel et contre toi ? Ou bien : Alléluia, je vis davantage l’Evangile ?

Ainsi soit-il !

 

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