Chanoine Claude Ducarroz, cathédrale St-Nicolas, Fribourg, le 24 juin 2007 Lectures bibliques : Isaïe 49, 1-6; Actes 13, 22-26; Luc 1, 57-66.80 – Année C |
Faire-part de naissance !
Je suis souvent émerveillé de voir ce que les parents trouvent ou inventent pour annoncer la naissance de leur enfant.
L’évangile de ce jour nous annonce une naissance extraordinaire : celle de Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus-Christ.
On pourrait évidemment dresser la liste de tous les évènements merveilleux qui émaillent la venue de cet enfant. La longue stérilité de sa mère, l’apparition de l’ange Gabriel à Zacharie, la conception hors des lois de la nature, l’enfant qui tressaillit dans le sein de sa mère quand Marie vint visiter Elisabeth, enfin la guérison du père à la naissance de son enfant : autant de traits un peu étranges qui, en réalité, rappellent certaines naissances extraordinaires racontées d’une façon semblable dans l’Ancien Testament.
Tout enfant n’est-il pas, finalement, un être merveilleux, un cadeau du ciel, un fils ou une fille unique, qui tient du miracle et suscite l’étonnement de ses parents et de ses proches ?
« Je reconnais devant toi le prodige, chante le psaume 139, l’être étonnant que je suis ».
En vérité, le mystère le plus fabuleux qui bat au coeur d’un enfant et brille dans ses yeux, c’est son avenir. Tous ceux qui voyaient le petit Jean étaient frappés et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » Quel père, quelle mère ne s’est pas posé cette question au bord du berceau de son enfant, en le voyant sourire quand il dort dans la paix ? La réponse tient en une petite phrase sous le signe de la confiance : « La main du Seigneur était avec lui ».
Tout est dit là dans cette protection de Dieu et dans l’abandon qu’elle suscite, entre les bras du Dieu-Père, tendrement, joyeusement.
Quel étrange destin que celui de ce Jean devenu le Baptiste au bord du Jourdain ! Une vie entièrement conditionnée par la vie d’un autre, toute polarisée par celle de Jésus. Leur dialogue à tous deux ne laisse pas de nous étonner.
Quand Jésus parle de Jean, il le place en pleine lumière pour mettre en évidence sa vocation. Pour Jésus, il est plus qu’un prophète, il est le précurseur, le témoin de la lumière, l’ami de l’époux, le plus grand parmi les enfants de la femme.
Mais quand Jean-Baptiste parle de Jésus, il ne cesse de se placer lui-même dans l’ombre, en renvoyant systématiquement les foules –et même ses propres disciples- à Jésus. Il ne veut surtout pas qu’on le prenne pour le Messie puisqu’il n’est même pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Oui, il faut que Jésus grandisse et que lui diminue, comme l’astre de la nuit qui s’efface quand le soleil se lève à l’horizon.
C’est peu dire qu’on cherche des Jean-Baptiste dans le monde et l’Eglise d’aujourd’hui.
Peu importent finalement les circonstances de notre venue au monde, même si elles peuvent peser sur notre destin. Nous sommes d’abord notre avenir, ce que nous serons, ou plutôt ce que nous sommes appelés à faire et surtout à être, quel que soit notre âge. Nous sommes d’abord notre mission, comme on a ajouté le mot « baptiste » à celui de Jean parce que sa vie a été dévorée par sa vocation au service du Royaume de Dieu : baptiser en vue de Jésus le Messie.
Quand on voit avec quels hommes Jésus a fait ses apôtres, quand on constate, aujourd’hui encore, les merveilles que Dieu accomplit dans l’existence de personnes que rien ne prédestinait à d’exceptionnelles destinées, personne ne peut dire qu’il est trop pauvre, trop indigne, trop handicapé, trop âgé, trop pécheur même, pour devenir un Jean-Baptiste moderne, un montreur de Dieu.
Chaque jour, je m’émerveille des hauts faits du Seigneur dans l’humble humanité de disciples cachés dans les recoins d’un Evangile mis en pratique. Rien n’est plus beau –et surtout plus nécessaire- que ces saintetés sans nom, mais pas sans visage, qui transpirent les Béatitudes.
Ces saintes et ces saints actuels soulèvent dans le cœur de ceux qui les entourent l’ardente envie, le désir fort de suivre le Christ. Comme les petites lumières bleues qui indiquent la bonne piste à l’avion qui doit atterrir dans la nuit. Comme ce Jean qui pouvait dire : « Rien que la voix de l’époux me comble de joie ».