Abbé Jacques Le Moual, à l’église de Charmey, FR, le 31 décembre 2006 Lectures bibliques : 1 Samuel 20-22.24-28; 1 Jean 3, 1-2, 21-24; Luc 2, 41-52 – Année C |
Tout récemment, j’ai rencontré un jeune qui après sa maturité a fait les 400 coups. Il a quitté sa famille, il a littéralement disparu de la circulation. Pendant des mois ses parents ont cru qu’il était mort. Ils n’avaient plus aucune nouvelle. Et puis un beau jour, ils l’ont retrouvé, il avait complètement changé de vie. Stupéfaction chez les parents. On imagine les questions qu’ils ont posées à leur fils en rupture familiale et sociale.
L’évangile de ce dimanche nous rapporte l’aventure de Jésus resté à Jérusalem à l’insu de ses parents. Ce qui pourrait nous apparaître comme une fugue d’adolescent est en réalité un évènement riche de significations.
Luc nous présente Jésus au temple et l’on connaît l’importance du Temple chez les juifs. C’est à l’occasion de la fête de Pâque que Jésus est au temple. Il vient accomplir avec ses parents, son passage dans la communauté des adultes. Et le jeune juif lit dans la Torah la profession de foi d’Israël : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. » La démarche de Jésus est aussi unique, il vient affirmer qu’il est le Fils du Père et que sa vraie place est chez son père.
Mais ce premier pèlerinage de Jésus a cependant quelque chose de prémonitoire. Luc nous dit que c’est au bout de trois jours que Marie et Joseph retrouvèrent leur fils dans le Temple. C’est sans doute la première préfiguration de sa mort, de ses trois jours passés au tombeau et de son relèvement.
Marie et Joseph vont connaître une destinée singulière, mais aujourd’hui n’est-ce pas le merveilleux témoignage d’un amour vrai d’époux et de parents ? Marie et Joseph, ce jour là ont retrouvé leur fils après trois jours de recherche « dans le temple assis au milieu des docteurs de la loi. Il les écoutait et leur posait des questions ». Dès cet instant Marie et Joseph comprennent que leur enfant leur échappe, qu’il est autre, qu’il n’est pas à eux. « Marie gardait cela dans son cœur », comme un point d’interrogation.
Mais aimer, n’est-ce pas donner du prix à l’autre quoiqu’il arrive ? Et vous les parents vous le savez mieux que quiconque, lorsque vos enfants prennent du large pour vivre leur vie, souvent sur des chemins balisés d’embûches. Oui aimer c’est donner du prix à l’autre quoi qu’il arrive et malgré tout continuer de l’aimer.
On comprend que Marie et Joseph se soient préoccupés de la disparition de Jésus. Quels parents n’auraient-ils pas eu les mêmes réflexes devant une telle situation ?
La question que Marie pose à Jésus reste donc normale et surtout emplie de tendresse : « Mon enfant pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant. » Pas une allusion qui laisserait entendre que Marie ou Joseph se soient rejetés l’un sur l’autre la responsabilité de la perte de Jésus. Bien au contraire, Marie emploie le nous.
Dans ce nous, tout est dit d’une discrète tendresse et d’un partage total, contrairement à bien des foyers, des familles ou malheureusement les parents se rejettent la responsabilité des enfants : ton fils, ta fille, au lieu de notre enfant. Aimer, n’est-ce pas dire nous, n’est-ce pas affronter ensemble, se serrer les coudes…
Enfin aimer, n’est-ce pas essayer de comprendre, chercher à comprendre.
Après trois jours d’angoisse, Marie ne dis pas : « Rentrons à la maison et nous nous expliquerons ». Non, Marie de dire : « Mon enfant pourquoi nous as-tu fait cela ?» Et Jésus de répondre : « Ne dois-je m’occuper des affaires de mon Père ? » La vie de Jésus est aussi en croissance et passe par une crise parce que ça bouge en lui. Sa disparition momentanée permet de découvrir sa relation à Dieu, sa vocation personnelle : c’est alors une révélation.
Pourtant, que de fois en famille on vide son sac, on accuse, on accable avant d’avoir écouté, demandé pourquoi. Derrière des évidences trop évidentes, n’y auraient-ils pas des raisons, des souffrances, des blessures qui expliquent, qui obligent de se remettre en question ?
De ce point de vue Marie et Joseph, invitent tous les parents à scruter le mystère des enfants qu’ils aiment.
Alors, laissons la conclusion à l’évangéliste saint Jean dans sa première lettre, il nous invite à aimer comme Dieu nous aime : « Voyez comme Il est grand l’amour dont Dieu nous a comblés. » Et il ajoute : « Son commandement c’est d’abord d’avoir foi en lui et de nous aimer les uns les autres. » Voilà un programme pour nos familles.
Oui, la famille peut être et doit être un lieu de croissance, de reconnaissance, de la vocation de chacun. Chacun doit y découvrir sa relation à Dieu, même si l’entourage ne le comprend pas toujours. C’est une bonne Nouvelle qui nous concerne tous.
Amen