Messe de l’Ascension

 

Père Jean-René Fracheboud, Foyer Dents-du-Midi, Bex le 13 mai 2010
Lectures bibliques :
Actes 1, 1-11; Ephésiens 1, 17-23; Luc 24, 46-53 – Année C

Chers Frères et Sœurs,

 

«  Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. »

«  Tandis qu’Il les bénissait, Il se sépara d’eux et fût emporté au ciel. »

  Jésus est monté au ciel !

Comment des oreilles modernes habituées à un langage scientifique, technique, peuvent-elles entendre de telles affirmations ?
Nous avons plutôt envie de sourire quand nous imaginons l’Ascension de Jésus comme une remontée dans l’atmosphère, un peu à la manière d’un cerf-volant échappé de la main d’un enfant, qui se perd peu à peu dans les nuages.

Vous vous souvenez sûrement des déclarations de Gagarine, le premier cosmonaute de l’histoire déclarant qu’il avait trouvé le ciel désespérément vide, démystifiant ainsi ce lieu comme la résidence privilégiée de Dieu.
Et que dire de nos somptueuses cathédrales, ces évangiles de pierre qui nous présentent l’Ascension, avec des Apôtres, la tête renversée en arrière – comme dans une extase – qui s’efforcent de suivre jusqu’au bout la lente remontée de leur Seigneur dans les cieux.

Nous sommes certainement  appelés à une ascèse de l’imagination pour chercher une signification, un sens, au moment où le Ressuscité échappe à toute prise humaine.
C’est bien le message des anges dans la lecture des Actes des Apôtres :

«  Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ?
Jésus qui a été enlevé du milieu de vous,
reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Autrement dit, il n’y a plus rien à voir du côté du ciel, il y a une « perte de visibilité ».
Cette invitation rejoint celle du matin de Pâques où les femmes, les premières au tombeau, constatent que la pierre a été roulée et que le tombeau est vide.

Et déjà, la parole des anges était claire :

«  Ne cherchez plus parmi les morts Celui qui est vivant ! »

Il y avait déjà là une « perte de visibilité » – « rien à voir » – et une invitation à un déplacement, à une recherche qui doit s’opérer ailleurs.

Pour entrer dans le mystère en sa profondeur, il nous faut, me semble-t-il, retrouver l’unité entre Pâques, l’Ascension et la Pentecôte.
C’est  le même mystère de l’accomplissement de la vie du Christ, de l’Amour infini de Dieu qui a traversé toutes les pesanteurs humaines, toutes les forces du mal et de la mort pour éclater en lumière  et en éclats de Résurrection.

A Pâques, on est surtout sensible au lien avec le vendredi saint, la mort de Jésus.
Ce Jésus qui a été arrêté, bafoué, ignoblement mis à mort comme le dernier des derniers, est bien ressuscité le matin de Pâques.
Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire.

A l’Ascension, – vous l’avez remarqué, située le soir même de Pâques dans l’Evangile, mais 40 jours après, dans les Actes des Apôtres, – on souligne la fin des apparitions pascales.
Il était fondamental que les Apôtres, d’abord traumatisés par la mort tragique de Jésus, fassent l’expérience de sa résurrection.
Cette période ne va pourtant pas durer indéfiniment.
L’Ascension vient mettre un terme à cet espace où Jésus s’est donné à voir, vivant.

La Pentecôte manifestera alors l’irruption et le don de l’Esprit, cette force qui permet aux disciples de devenir témoins du salut par leur manière de vivre ensemble et de s’aimer.
Là, il y a quelque chose à voir… ce sera le grand signe que la communauté vit de la grâce du Ressuscité !

Pâques, Ascension, Pentecôte sont comme trois couleurs d’un unique mystère, d’une somptueuse symphonie : la réussite totale du projet d’Amour de Dieu qui nous envoie son Fils, qui meurt et ressuscite, pour ressaisir toute la création, toute l’histoire et tout le cosmos et l’orienter vers un accomplissement de lumière et de gloire.

Si nous prenons au sérieux ce mystère, cette offre de Dieu, nous ne pouvons que nous émerveiller devant l’immensité du cadeau, du salut offert.
Le Christ glorifié nous arrache à la pesanteur pour nous attirer vers Lui.

Nous pourrions nous poser la question.
En quoi la foi au Christ ressuscité, exalté dans la gloire peut-elle inspirer notre vie personnelle et ecclésiale ?
– Premièrement, je dirais que l’Ascension ouvre un beau chemin d’espérance.
L’homme n’est plus condamné à l’errance et à l’absurde mais il est promis à une plénitude dans l’Amour. C’est cela l’horizon inouï de nos vies sauvées par le Christ.

Un théologien, Romano Guardini, affirmait avec force :
«  Le christianisme seul a osé situer un corps d’homme dans la profondeur de Dieu. »
Grâce à Jésus, un homme est au cœur de la Trinité. C’est là notre demeure définitive, la destination finale de notre existence. «  Je vais vous préparer une place » nous disait Jésus (Jn14,2). « Je veux que là où je suis, vous soyez, vous aussi, avec moi » (Jn14,3).
Quelle extraordinaire perspective pour nos vies encore tellement fragilisées, tellement menacées par la médiocrité, le mensonge et toutes les formes de mort !

– Deuxièmement, l’effacement de Jésus, le jour de l’Ascension, rend possible notre responsabilité et notre liberté en Eglise.
A nous de jouer, de devenir témoins d’une réussite de la vie autre que celle de l’argent, du pouvoir ou de l’orgueil. Ce Jésus, toujours vivant que nous aimons sans le voir, nous échappe.
L’Ascension nous invite à nous dessaisir d’un Christ trop charnel, trop à notre mesure et à notre convenance, trop selon nos rêves et nos idéologies. Il est toujours au-delà de nos prises.
Le Chemin de la foi est un chemin de vérité et d’humilité. Comme le dit saint Paul,  « notre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3).

Vous aurez remarqué le contexte de joie dans lequel se vit le départ de Jésus, contexte de bénédictions également.
Nous ne pouvons que bénir la vie que Dieu nous donne à vivre, les êtres qu’Il nous donne à aimer et ce monde qu’Il nous donne à transformer.

L’Ascension est la faille verticale du tombeau ouvert, du ciel ouvert, du cœur de Dieu à jamais ouvert.
Il y va de notre naissance à Dieu pour toujours et de notre folle espérance.
« Il y a toujours Quelqu’un de merveilleux qui nous précède vers la Source, en nous laissant des traces…. celles qui nous invitent à la louange et à l’émerveillement. »

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