Messe du 13ème dimanche ordinaire

 

Monseigneur Bernard Genoud, chapelle Notre-Dame des Marches, Broc, FR, le 1er juillet 2007
Lectures bibliques :
1 Rois 19, 16-21; Galates 5, 1. 13-18; Luc 9, 51-62 – Année C

Mes chers frères et sœurs,
Et vous surtout, chers malades ou auditeurs qui nous avez rejoints sur les ondes,

Ils y vont un peu fort Jacques et Jean, les deux frères, fils de Zébédée, ils ont du tempérament : ‘On ne veut pas nous recevoir : alors : le feu du ciel !’ On est encore assez loin de ce que l’on appelle aujourd’hui « Le dialogue interreligieux » ! Ah, le « doux s. Jean » ce sera pour bien quelques  années plus tard !

Remarquez que Jésus n’y va pas mollement non plus dans cet Evangile! Nous sommes confrontés aujourd’hui à l’un de ces textes que l’on n’aime pas beaucoup entendre, un texte qui peut paraître dur, voire incompréhensible… Je pense que, tout comme moi, vous avez été frappés quand même, peut-être même choqués, d’entendre Jésus nous dire : « Laisse les morts enterrer leurs morts ! Toi, va annoncer le règne de Dieu. »  
Oui, cela paraît difficile à admettre et on a tendance à écarter rapidement ce genre d’exigence… « Oh! C’est un texte qui Lui a échappé… C’est une parole un peu démesurée, etc.… »  En d’autres termes, cela voudrait dire que Jésus s’est mal contrôlé, cette fois-là.

Eh bien non, on ne peut pas écarter si facilement une difficulté. Car ce texte reflète vraiment la pensée de Jésus… encore faut-il la préciser. Mais il est vrai que c’est d’une très haute exigence et qu’elle n’est pas isolée dans la vie de Jésus: il y a des foules d’autres textes qui lui ressemblent:

– « Les tièdes, je les vomirai. »
– « Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et puis viens et suis-moi. »
– Ou plus difficile encore : « Celui qui ne me préfère pas à son père, à sa mère, à son frère, etc. n’est pas digne de moi. »

Non, vous le voyez, le texte d’aujourd’hui n’est pas seul, ce n’est pas un mot trop dur qui Lui aurait échappé. Non, Jésus affirme aujourd’hui, une fois de plus, qu’il n’est pas facile d’être chrétien, que le christianisme n’est pas une religion pour les faibles, et qu’il exige le martyre parfois, l’héroïsme souvent, la sainteté et la générosité toujours.

Mais que veut-Il dire au fond, vraiment? L’amour de Dieu serait-il en contradiction avec nos amours humaines les plus légitimes et les plus nobles: l’amour conjugal, l’amour fraternel, l’amour paternel, l’amour filial? L’amitié? Au fond, de quoi veut-Il parler? Et nous, de quoi avons-nous envie. Qu’est-ce que, pour nous, signifie ″aimer″, qu’est-ce que nous aimons le mieux, quel est notre amour le plus fondamental? J’ai souvent fait cette expérience avec des jeunes: de quoi as-tu vraiment envie? Finalement, à travers des foules de désirs superficiels, tous en arrivaient à me dire, et vous aussi chers frères et sœurs, vous me direz la même chose au bout d’une réflexion un peu approfondie : ce que je désire fondamentalement : c’est Le Bonheur ! Oui mais lequel ? Eh bien, un Bonheur qui soit  énorme, infini, éternel, Amour total, Vérité absolue… Ah mais alors, si j’ouvre la Bible, maintenant, je constate que vous venez de me donner la définition même de Dieu… Dieu, et Lui seul est la Vérité, la Vie, L’Eternel, L’Amour Infini… Mais alors vous avez la carte d’identité de Dieu inscrite au fond de votre cœur… et après tout c’est bien normal : vous êtes ses filles et ses fils… c’est bien normal que vous ayez un peu du code génétique spirituel de votre Père !
 
C’est donc tout naturellement aussi, que nous le sachions ou non, que nous aimons Dieu par-dessus tout, et le commandement de « Le préférer à tout », c’est-à-dire : ″pré″ (en haut), ″fere″ (porter), « Le porter au-dessus de tout », au fond,  ce n’est pas un ‘commandement’: c’est un mode d’emploi….. Et c’est même la première déclaration des droits de l’homme: « Tu as droit à Dieu, parce qu’Il est ce dont ton cœur a besoin le plus profondément, et selon ta propre nature ! »

Mais comme nous avons oublié ce désir le plus profond de notre cœur, cette fine pointe de nous-mêmes, d’où nous jaillissons de Dieu, avec immédiatement le désir d’y retourner, Dieu, dans son amour et sa tendresse, nous le rappelle : « Je t’ai fait amour de Moi, parce que Je veux te combler de mon propre Bonheur! » … Oui, de même que la fusée carbure au kérosène, de même l’homme, tout au fond de lui-même, carbure au désir de Dieu.
Alors, si vraiment nous aimons Dieu, alors et alors seulement nous saurons aimer les autres, car eux aussi sont d’abord et fondamentalement recherche de ce Bonheur infini, de cet Amour qui est Dieu. Ainsi donc, aimer vraiment les autres, c’est d’abord ne pas les détourner de leur unique possibilité de bonheur: Dieu. Aimer vraiment les autres, c’est tout faire, non pour les emprisonner dans nos pauvres bras ou pour tisser autour d’eux la toile d’araignée de nos égoïsmes. Non, aimer vraiment les autres, c’est tout faire pour que, eux aussi, qui sont d’abord amour de Dieu, eux aussi, ils Le rencontrent et soient un jour et pour toujours enfin heureux de ce Dieu qui seul peut les combler.
Ah ! Il n’avait  pas tout tord le grand poète Aragon lorsqu’il  il gémissait :
«  Quand l’homme ouvre les bras son ombre est celle d’une croix,
Et quand il veut serrer son bonheur, il le broie » !
Alors ces  phrases qui au début nous paraissaient dures et exigeantes et qui peut-être nous scandalisaient même un peu, les voilà maintenant  lumineuses et pacifiantes. C’est vrai, si je veux vraiment aimer les autres, c’est pour Dieu que je dois les aimer, c’est dans Ses bras que je dois tenter de les jeter, et c’est d’ailleurs la seule manière de les y rejoindre un jour et pour toujours.

Ainsi donc,  la plus grande joie que je peux aujourd’hui vous souhaiter, chers frères et sœurs, c’est qu’un jour tous ceux que vous aimez puissent vous dire : « Merci de m’avoir aimé de l’amour de Dieu et de m’y avoir conduit. C’est aussi grâce à toi qu’ensemble, maintenant et pour toujours, nous sommes si heureux en Lui ! » Alors nous aurons réussi notre amour, notre paternité ou notre maternité, nos amitiés, notre service d’Eglise pour le salut du monde !
 Et je n’ai rien de plus beau à nous souhaiter à tous aujourd’hui !
Amen !

 

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