Messe du 10ème dimanche du temps ordinaire

 


Chanoine Claude Ducarroz, cathédrale St-Nicolas, Fribourg, le 10 juin 2007
Lectures bibliques :
1 Romains 17,17-24; Galates 1,11-19; Luc 7,11-17 – Année C

Avouez-le franchement. Il y a quelque chose d’émouvant dans l’évangile que vous venez d’entendre, mais aussi quelque chose de gênant.

Il est touchant de voir Jésus saisi de compassion pour cette veuve qui porte en terre son fils unique, au point de lui dire : « Ne pleure plus ! » Avec cette note de tendresse supplémentaire après le miracle : « Et Jésus le rendit à sa mère. » On imagine les retrouvailles. Oui, je suis aussi ému devant tant de délicate charité de la part de Jésus qui démontre à l’envi toute son humanité, surtout en face de personnes frappées par le malheur, ici une femme seule, une maman.

Mais où est le gênant ? me direz-vous. Dans notre civilisation marquée par la logique scientifique et les expériences techniques, n’y a-t-il pas quelque chose de déconcertant à voir ce mort se redresser sur sa civière, s’asseoir et se mettre à parler ? N’y en a-t-il pas, peut-être déjà dans cette cathédrale, mais sûrement là-bas, à l’autre bout des ondes, qui hochent la tête en pensant : «Cette soi-disant résurrection, est-ce que c’est du sérieux, ou est-ce uniquement une image, un symbole ? »

Je comprends qu’on puisse se poser de telles questions.
Si vous le permettez, il faut d’abord prendre conscience de deux observations.
Vous avez entendu la première lecture, le récit qui montre le prophète Elie redonnant la vie au fils d’une veuve de Sarepta, une ville païenne située au sud du Liban actuel. Incontestablement, Luc veut démontrer par le récit de Naïm que Jésus est le nouvel Elie, capable –mieux que lui- de donner et même de redonner la vie, ce qui était un signe de reconnaissance pour la venue du Messie.

Et puis, peut-on parler de résurrection ?
Le jeune homme rendu à sa vie et à sa mère est certainement re-mort plus tard, comme tout le monde. Peut-être que le terme de ré-animation conviendrait mieux que celui de résurrection, si l’on définit celle-ci comme l’état de celui qui, une fois revenu de la mort, ne meurt plus, mais entre, y compris physiquement, dans la vie et la gloire éternelles.
Alors quelle signification peut bien avoir ce qu’on appelle encore la « résurrection » du jeune homme de Naïm ?

Une démonstration, une anticipation, une espérance.
La démonstration, en paroles et en actes, que Jésus est bel et bien le maître de la vie et de la mort, celui qui peut dire en toute vérité parce qu’il l’a prouvé: « Je suis la résurrection et la vie ».

Une anticipation, car en effet, les mots employés par Luc pour décrire l’évènement de Naïm sont les mêmes que ceux qui annonceront la résurrection de Jésus lui-même. « Lève-toi, se redresser », c’est typiquement le vocabulaire de la Pâque. On comprend que Luc ici appelle déjà Jésus « le Seigneur », un terme appliqué par les premiers chrétiens au Christ ressuscité, le Seigneur vivant, le Seigneur de la vie.

Enfin, une espérance. Nous savons désormais, depuis le signe de vie de Naïm, et encore davantage depuis le matin de Pâques, que notre destin ultime se situe au-delà de notre mort, plus loin ou plus haut que notre finitude mortelle.
Nous sommes des êtres pascals, nous sommes programmés pour la résurrection, nous sommes les enfants d’un Père qui nous attend dans sa maison de vie et d’amour, avec notre frère aîné Jésus ressuscité, pour la vie éternelle.
Je sais ce qu’il peut y avoir d’étonnant, d’inimaginable et même d’incroyable dans cette promesse.
Un peu comme dans l’eucharistie, quand nous estimons qu’en recevant le pain et le vin consacrés, nous accueillons en nous le corps et le sang de Jésus mort et ressuscité pour nous, gage de cette même vie éternelle. Mais après tout, si c’est Dieu lui-même qui nous donne ces cadeaux, pourquoi seraient-ils trop beaux pour être vrais ?

Et s’ils étaient vrais, divinement vrais, justement parce qu’ils sont beaux, divinement beaux ? Rien n’est trop beau pour Dieu quand il donne, quand il se donne, à nous, les hommes, ses enfants bien aimés.

A Naïm, on rendait gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple ».

Pas seulement à Naïm, voyons !

 

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