Messe du 7e dimanche du temps ordinaire

 

Chanoine Jean-Paul Amoos, à l’abbaye de St-Maurice, VS, le 18 février 2007
Lectures bibliques : 1 Samuel 26, 2-23 ; 1 Co 15, 45-49 ;
Luc 6, 27-38 – Année C

Mes frères, mes soeurs, chers auditeurs,

Assez… c’est assez !

Voilà ce que nous pouvions dire dimanche dernier après avoir entendu la proclamation des béatitudes, ces « huit paroles pour l’éternité » comme l’a écrit Gilbert Cesbron.
Mais aujourd’hui la proclamation de Jésus va encore plus loin, à un point tel qu’on pourrait dire : trop… c’est trop… Quand s’arrêtera-t-il ?

« A vous qui m’écoutez, je vous le dis : aimez vos ennemis ».

Dieu, en son Fils, aime ses ennemis et Il nous demande de l’imiter. Une imitation qui trouve son parfait modèle dans les dernières paroles du Christ en croix lorsqu’Il invoque le pardon pour ses bourreaux : « Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».
Aimer ses ennemis jusqu’au pardon, c’est fort, nous le sentons bien. Cela dépasse nos capacités humaines.
Il est déjà bien difficile d’aimer vraiment ceux qui nous aiment, comment étendre cet amour à l’extrême, jusqu’à aimer l’ennemi ? Comment dépasser nos réactions spontanées ?

Deux siècles avant Jésus-Christ, le philosophe grec Zénon écrivait : « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais à personne d’autre. »

Jésus, lui, va beaucoup plus loin ! Aimer, pour lui, ce n’est pas seulement s’abstenir de faire du tort, c’est répondre au mal par le bien. Aimer, c’est accueillir nos ennemis gratuitement, sans rien attendre en retour.
Jésus nous demande d’aimer ceux qui nous critiquent et disent du mal de nous, ceux qui nous agacent, même qui nous haïssent.
Face à toutes ces attitudes, Jésus nous demande de répondre par le bien.

Ce que préconise Jésus dépasse les simples forces humaines. C’est vraiment « une folie pour le monde» ! Il est déjà si difficile d’aimer vraiment ceux qui nous aiment, comment aimer nos ennemis ? Il ne s’agit pas ici d’une simple morale humaine. Il s’agit de rien moins que d’imiter Dieu. « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux… Aimez vos ennemis… et vous serez les fils du Dieu Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants. » Je dois être miséricordieux envers mon prochain, non pas s’il est miséricordieux envers moi, mais parce que Dieu est miséricordieux avec moi. Être miséricordieux et savoir pardonner est un don à accueillir, une grâce à recevoir.

Seul Dieu peut nous donner d’agir comme lui, en fondant notre charité sur sa miséricorde et non sur un amour facile, à fleur de peau.

La charité fraternelle est le premier témoignage du rayonnement chrétien : un témoignage qui prend sa source dans l’amour de Dieu. Ce qu’il y a d’unique et d’original dans le christianisme, c’est ce lien que Jésus établit entre l’amour pour Dieu et l’amour du prochain.
Il faut être frères entre nous pour que Dieu soit réellement Père pour nous. Le danger de toute religion est de s’illusionner sur Dieu.

Lorsque nous croyons « penser » à Dieu, à Lui et à personne d’autre ; quand nous vivons une paisible intimité avec Dieu, combien de fois Dieu nous ramène ou nous lance vers nos frères. Pourquoi ? sinon parce que Dieu s’est identifié à chacun d’entre nous et qu’il nous a confiés les uns aux autres.

Dieu s’est confié à nous dans et par nos frères. « Ce que vous faites aux plus petits des miens… c’est à moi que vous le faites».

Aller à Dieu par nos frères, oui. Mais comment sont-ils vus par moi ? Comment m’offrent-ils le visage de Dieu ?

Prenons une comparaison : dans une flaque d’eau, je peux voir un peu d’eau sale, boueuse, nauséabonde, mais dans la même flaque d’eau, je puis voir le reflet du ciel et l’image du soleil. Dans les autres, je puis apercevoir leurs limites, leurs défauts mais aussi et mieux, regarder leurs vertus et qualités. Certes, il nous faudra souvent prier sur le visage de l’autre qui ne nous revient pas pour découvrir en lui le reflet du visage de Dieu.

Dieu nous a confiés les uns aux autres. Il nous dit que par là, il veut notre bonheur puisque seul l’amour rend heureux et que nous ne pouvons rendre un être meilleur qu’en le rendant heureux ! Ne dit-on pas que lorsqu’on partage un gâteau, celui-ci diminue, mais lorsqu’on partage un toit, la maison se réchauffe !

Oui, il faut aimer les autres. Mais, pour aimer bien, il faut être aimable, capable d’être aimé. Pour bien aimer, commençons par nous aimer nous-même. Il faut être doux envers soi-même. Les gens mécontents d’eux-mêmes accablent toujours leur entourage. Notre entourage « paye » toujours notre manque d’équilibre personnel.

Ne nous laissons pas étouffer par nos défauts. Certes, nous sommes toujours enracinés dans notre passé, à nous de ne pas nous y enchaîner… surtout s’il a été dur ou malheureux. Les enracinés ont la vie devant eux. Les enchaînés se blessent et meurent. Nos enchaînements qui ont pour nom : « péchés », confions-les à Dieu. Lui qui est miséricorde détruit le mal en pardonnant.

Voilà un beau programme ! Beau programme souhaité par un vieux prêtre qui disait au catéchisme : « Vous savez mes enfants, la religion chrétienne c’est très simple… il faut vivre l’Evangile, ressembler à Jésus de telle manière qu’en arrivant au ciel Dieu le Père nous confonde avec son Fils ».

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