Messe du 2e dimanche de Carême

 

 

Abbé Pierre Aenishänslin, au monastère de la Visitation, Fribourg, le 12 mars 2006
Lectures bibliques : Genèse 22, 1-18; Romains 8, 31-34; Marc 9, 2-10 – Année B

Dieu s’est fait visage d’homme

Nous avons pris conscience que le Carême nous est offert comme un chemin de conversion tonifiante.

Aujourd’hui nous nous émerveillons de la Transfiguration du Seigneur. Pour nous y préparer la première lecture nous a montré l’épreuve d’Abraham, le père des croyants. Le Dieu de l’alliance, son Dieu, pour le mettre à l’épreuve, lui demande son Fils.

Dans les temps anciens, il était de coutume d’offrir aux dieux les premiers fruits, appelés prémices, tant des enfants, des animaux que des récoltes. Dieu devait donc faire de même avec son serviteur Abraham. Il ne se révolte pas, il continue à croire à la promesse, il ne se doute pas un instant de son Dieu, qui ne pouvait qu’être fidèle. Abraham a donné son fils. Le Seigneur l’a rendu vivant. Abraham qui n’a pas refusé son unique est pour nous une image de Dieu. Saint PauI nous l’a rappelé. Dieu n’a pas refusé son Fils… avec lui, il nous a tout donné.

Nous sommes ainsi préparés à accueillir le message de l’évangile. La Transfiguration est au cœur du christianisme. Cet épisode est l’un des joyaux de la révélation et de notre espérance. Jésus livre son secret. Il montre la gloire de Dieu éclatante dans le corps du Christ. Le Dieu invisible se révèle sur le visage offert de Jésus. C’est la plus belle lumière qui pouvait illuminer notre nuit. Non pas une lumière qui n’éclaire que l’extérieur mais une lumière qui irradie le corps du Christ. La gloire de Dieu irradie le visage du Christ durant un bref instant. Ainsi se trouve confirmé que la vie même de Dieu est la véritable source de l’être du Christ. C’est aussi la manifestation que l’homme est promis à devenir le temple d’une vie éternelle.

Sur le mont Thabor, Moïse et Elie dialoguent avec Jésus. Ils sont la présence emblématique de l’Ancien Testament et une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le (Mc 9,7)

Cette révélation du Jésus de lumière, aimé de son Père est là pour fortifier la foi des apôtres. Elle doit « enlever du cœur des disciples le scandale de la croix » (St Léon le Grand)

Le mystère de la Transfiguration nous fait comprendre qu’il y a continuité entre ce que Jésus vit au cours de sa vie terrestre et la résurrection. Dans son amour pour chacune et chacun de nous le Dieu de l’Alliance n’a pas voulu se tenir à distance. Il ne lui a pas suffi de nous parler par Moïse et Elie, il a voulu pleinement s’approcher de nous d’une manière bouleversante. Il s’est fait l’un de nous : Emmanuel – Dieu avec nous. Jésus est le vrai visage de Dieu.

L’attente d’Israël était considérable et concernait un messie glorieux qui prendrait la tête de l’humanité pour l’entraîner au ciel. Et la Transfiguration montre exactement l’inverse. Elle montre le chemin d’abaissement de celui qui est gloire.

Pierre qui s’était déjà révolté à l’annonce de la passion découvre que Jésus, ce compagnon et ce maître au visage fraternel est bien le sauveur annoncé par les prophètes.

« Qui m’a vu » dira-t-il à Philippe, « a vu le Père ». L’épisode de la Transfiguration ne dure que peu car dans ce monde Dieu ne nous offre pas d’autre image que celle de l’humanité de Jésus. Dans son alliance le Père a donné ce qu’il a de plus cher : son Fils bien-aimé. Ce Fils qui est toute sa vie, comme Isaac était toute la vie d’Abraham. En son fils le Père se rend à jamais solidaire de la condition humaine. Ce don total ira jusqu’au calvaire.

« Le sommet de la révélation en Jésus n’est pas le Thabor mais le calvaire où la suprême grandeur s’est à jamais identifiée avec l’amour capable de mourir pour ceux-là mêmes qui refusent obstinément de l’aimer » (Maurice Zundel).

Si nous voulons vivre notre carême dans le respect des droits humains, si nous avons l’intention de vivre les solidarités de Dieu, il nous faut refuser paradoxalement notre fantasme de toute puissance pour le suivre là où ce qui est défiguré peut être transfiguré, là où ce qui est écrasé peut être révélé.

 

 

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