Célébration de la Passion

Abbé Jacques Banderet, vicaire épiscopal, à la chapelle de Notre-Dame des Marches, Broc (FR), le 25 mars 2005

Lectures bibliques : Isaïe 52, 13-53,12; Hérode 4, 14…5,9; Jean 18,1-19,42 – Année A

Chers Frères et Sœurs,
Amis du Sanctuaire des Marches,

 

C’était, il y a quelques années, un Vendredi Saint comme aujourd’hui. Ce matin-là, comme chaque matin, les radios diffusaient les informations. Ce Vendredi Saint, un journaliste nourri de bonnes intentions a ouvert sa chronique par cette annonce : «Aujourd’hui, c’est le Vendredi Saint, un jour de deuil pour les chrétiens».

En entendant ce commentaire, mes sentiments étaient partagés. D’une part, je me réjouissais qu’un journaliste mette au premier rang dans ses nouvelles, l’évocation de la mise à mort de Jésus sur la croix. Mais d’autre part, j’entendais cette parole un peu comme des condoléances qu’on adresse à une famille qui a perdu un être cher pour toujours. Comme si, pour les chrétiens, le Vendredi Saint était la célébration anniversaire de l’exécution capitale de Jésus, sans lendemain, sans le matin de Pâques. En effet, si notre journaliste avait lu l’évangile, il aurait eu vent de la surprise de ces femmes qui arrivèrent à l’aube devant un tombeau vide. «Celui qui est vivant, pourquoi le chercher parmi les morts», demandent les anges !

Oui, frères et sœurs et amis auditeurs, Jésus de Nazareth était vraiment un homme ; il était « naturel » qu’il meure. Mais il n’était pas naturel qu’il meure si jeune et dans les circonstances dramatiques que vient de nous rappeler, à l’instant, Saint Jean dans son récit de la Passion : trahi, injustement condamné, torturé, crucifié, lui qui a enseigné et vécu l’amour et la paix.

Jésus nous apparaît d’abord comme le Frère de beaucoup d’autres condamnés, de ces hommes et de ces femmes éliminés par la société dont il dénonçait les vices.

Depuis Socrate jusqu’à Gandhi et Martin Luther King, Rabin et Hariri, plus récemment, en passant par ces milliers de sacrifiés, de crucifiés d’aujourd’hui, ils sont encore trop nombreux, les innocents qui paient pour les coupables. Jésus a dit la vérité, il doit donc être éliminé, comme le chantait Guy Béart.

Le Christ s’est heurté aux privilèges de ceux qui avaient le pouvoir de l’argent au mépris de ceux qui étaient sans le sou. Il s’est affronté à ceux qui détenaient le savoir et le pouvoir de la religion au mépris des petits, des gens modestes. Si donc Jésus est mort crucifié, c’est à cause de toute cette coalition de gens influents qui voyaient en lui un homme dangereux, menaçant l’ordre établi.

Beaucoup de non croyants respectent et admirent Jésus à ce seul niveau de sa vie. Mais pour nous, chrétiens, notre regard doit percer plus loin : Jésus est Fils de Dieu. Il choisit de vivre jusqu’au bout sa mission de serviteur : «Ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne». Toute sa vie culmine dans cette passion et cette mort pour révéler un Dieu qui se dépouille de toute domination, un Dieu qui refuse de se laisser enfermer dans cette spirale de la vengeance, un Dieu, au contraire, qui répète inlassablement que l’amour est plus fort que tout.

Mais pour être sincères avec nous-mêmes :

– Qui pourrait déclarer parmi nous qu’il n’a jamais été du nombre de ceux qui, influencés par une foule versatile, change souvent d’avis ?

– Qui oserait affirmer qu’il n’a jamais renié Jésus comme Pierre, qui avait la peur au ventre de s’affirmer : disciple de Jésus ?

– Qui pourrait dire parmi nous qu’il n’a jamais été lâche, comme Ponce Pilate, se lavant les mains, par peur de déplaire ?

– Qui pourrait dire parmi nous qu’il n’a jamais, comme Judas, trahi quelqu’un, fût-il un ami ?

Jésus Christ est donc bien mort pour chacun de nous. Il est venu pour porter et donner un sens à nos souffrances et nous ouvrir les portes du ciel. Cet après-midi, dans ce sanctuaire de Notre Dame des Marches, nous avons la preuve que des hommes et des femmes, de tous les temps, de toutes les générations viennent encore déposer leurs fardeaux, leurs angoisses et leurs espoirs, au pied de Marie, pour qu’elle les présentent à Jésus. Quelques ex-voto et surtout les vitraux de cette chapelle nous apprennent par exemple, que Léonide Andrey a été guérie, tandis que Jean-Antoine Judet, de Bulle, a été délivré des Berbères, en 1765.

Mais aujourd’hui, des pèlerins viennent encore dans cette chapelle écrire dans un livre d’or de prière, leurs intentions. Elles parlent de leurs souffrances physiques et morales. Elles sont très nombreuses ces demandes qui sont orientées pour des familles qui vivent une épreuve, des couples en difficulté. Des grands-parents viennent recommander la foi de leurs enfants et petits-enfants. On prie aussi pour retrouver la paix intérieure. Quelques-uns seulement, comme les dix lépreux guéris, reviennent dire leur reconnaissance pour les grâces obtenues.

Frères et sœurs, le Vendredi Saint trouve tout son sens, car il n’y a pas de mort sans résurrection. Il n’y a pas de Vendredi Saint, sans le matin de Pâques.

Amen.

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