Messe du 5e dimanche de Carême

Frère Didier Boillat, dominicain, le 13 mars 2005, à l’église St-Paul, Genève

Lectures bibliques : Ezéchiel 37, 12-14; Romains 8, 8-11; Jean 11, 1-45 – Année A

Cette nuit j’ai fait un mauvais rêve… J’ai rêvé d’un mur. Il était si grand qu’il faisait le tour de la terre. Si haut que les voisins ne se voyaient plus et ne parlaient pas entre eux. Quand je me suis approché, j’ai senti une mauvaise odeur, l’odeur de la mort qui vous prend au ventre. Et pas n’importe quelle mort, mais tous les espoirs déçus venus se fracasser contre ce mur. J’ai aussi entendu les cris d’une humanité prise dans sa détresse et son désespoir. Il ne faisait pas bon être là. Et l’odeur a saisi tous mes sens. La vue s’embrouillait, l’ouïe agressée, l’odorat et le goût envahis d’amertume, mes mains inutiles. Je suis reparti tout tremblant en me promettant bien de ne plus jamais remettre les pieds à cet endroit.

 

Ce matin j’entends une voix : « Ôte la pierre ! » Et tout à coup j’ai le besoin de me rapprocher de ce mur pour ôter la pierre. Que va-t-il arriver ? Aurais-je le courage d’aller jusque là et d’ôter une pierre ? Le mur risque de s’écrouler sur moi ! Seul je ne veux pas y aller, mais pourquoi pas ce matin décider d’obéir à cette voix et de retirer ensemble la pierre? Cette pierre est si lourde que nous devons être plusieurs pour la déplacer. Elle est lourde du poids de nos violences, de nos haines, de nos injustices. Cette pierre roule au loin si nos forces d’amour et de paix s’unissent, ces forces créent un chemin de vie qui éloigne toute mort.

 

Le mur s’effondre… Marthe et Marie se jettent au cou de Lazare. Ils se prennent dans les bras et s’embrassent. Ils se tiennent la main et entrent dans une danse d’allégresse. Ils invitent Jésus à les rejoindre. Lui-même a quitté sa tristesse. Il danse et il rit. Les voisins se mêlent à la fête. L’odeur de la mort n’agresse plus les sens. Ceux-ci retrouvent leur liberté pour accueillir et aimer. Ils deviennent passage pour la vie, le lieu d’une nouvelle naissance ! Le deuil est fini…

 

Jésus le Christ est lui la pierre d’où jaillit l’eau vive, une pierre sur laquelle fleurissent tous les espoirs du monde. Ses disciples sont les pierres vivantes et dansantes d’une humanité réconciliée et en paix. Et nous sommes invités à être les artisans d’un mur si grand qu’il entoure le monde d’une tendresse infinie, si haut qu’il ouvre un chemin vers le Père de toute miséricorde. Ce mur n’est plus un obstacle bâti sur nos ressentiments et nos discordes, il devient un passage, une avancée pour l’humanité entière. Jésus nous ouvre le chemin par l’amour qu’il a donné à Lazare, Marthe et Marie. Un amour si juste, qu’il rejoint encore aujourd’hui chacune de nos vies, ces instants où nous avons l’impression d’être les prisonniers d’un mur de désolation. L’amour de Jésus vient donner à nos sens la capacité d’éprouver une vraie relation, une même communion. Ils sont guéris par l’eau vive donnée par le Christ.

 

Frères et sœurs, il n’est pas interdit de rêver et si possible de faire de beaux rêves… Mais nous le pressentons maintenant, ce n’est qu’avec nous, avec ceux et celles qui écoutent au loin que le monde peut éloigner l’odeur de la mort et recevoir le parfum du Christ. Ce parfum est chargé de tendresse pour l’autre, une tendresse qui pardonne, qui pousse à faire le pas vers l’ennemi. Un parfum si fin qu’il va dans les cœurs durs comme pierre pour déposer l’étincelle de vie éternelle qui se répand dans l’humanité entière.

 

Si ensemble nous ôtions la pierre ? Un mur pourrait surgir, construit sur la pierre vivante du Christ ! Lazare, Marthe et Marie vous invitent à entrer dans la danse et dans leur joie. Ils sont les témoins d’un amour qui sauve. Ils ont en eux la vie éternelle.

 

Et si ce mur était un pont ? Le rêve se poursuit ainsi… Devenons les bâtisseurs de ce pont ! Créons des liens d’amitié et de paix ! Amen

 

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