Chanoine Jacques Oeuvray, à l’église de Boncourt, JU, le 29 juin 2003. Lectures bibliques : Actes des Apôtres 12, 1-11; 2 Timothée 4, 6-18; Matthieu 16, 13-19 |
Chers frères et sœurs,
Savez-vous qui a inventé la colonne en architecture ?
Eh ! bien, ce sont les égyptiens, environ 2000 ans avant Jésus-Christ. Les architectes sont arrivés à imaginer des colonnes de pierres en regardant les fellahs, les paysans des bords du Nil, construire leurs maisons. Ils prenaient des tiges de papyrus, longues de plus de deux mètres, ils les liaient en fagots pour en faire les piliers des maisons entre lesquels ils montaient des murs de torchis. Les premières colonnes du monde qu’on peut admirer se trouvent à Sakkarah, près de la première pyramide à degrés et à proximité des trois grandes pyramides de Gizeh. Les toutes premières ont même encore un contrefort latéral, car on craignait que sans appui, elles s’écroulent ! Le fût de la colonne ressemble au fagot de papyrus et le chapiteau est en forme de bouton de la fleur ou représente la fleur de papyrus épanouie.
Pourquoi, me direz-vous, cette histoire de colonnes pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul ? Parce que, comme vous le savez déjà, les apôtres, et en particulier Pierre et Paul, les inséparables, sont appelés les « colonnes de l’Eglise. » C’est une très belle image qu’on applique aux apôtres et par extension, à tous les baptisés, disciples du Christ.
En effet, seule, la tige de papyrus est faible et incapable de porter quoi que ce soit. Mises ensemble et fleurs épanouies, elles deviennent capables de supporter la construction d’une maison et, devenue colonnes de pierres, de porter des édifices majestueux, des temples et des églises qui, elles, rassemblent les baptisés en un seul corps capable de donner le Christ au monde.
Voici d’abord Pierre. Jésus le désigne clairement comme le fondement sur lequel Jésus veut bâtir son Eglise : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. Et tout cela pourquoi ? Parce que Pierre aurait été plus solide que les autres ? Nous savons bien que non : Pierre l’a montré dans son triple reniement ! Mais, parce qu’il a su reconnaître en l’homme Jésus de Nazareth, par la foi, « le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Alors, Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux !
Puis, il y a Paul. Il est l’apôtre des nations, le missionnaire infatigable, parti d’Antioche et qui a évangélisé l’Asie Mineure, la Grèce, pour arriver à Rome et y rendre le dernier témoignage au Christ, celui du martyre. Le moment de mon départ est venu. Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle écrit-il à son disciple Timothée. Tant d’engagement personnel dans le témoignage rendu au Christ et à l’évangile ne pouvait que porter du fruit. D’autant plus que Paul y mettait son cœur, sa tendresse et une grande proximité humaine. Son évangile se révèle être un évangile de communion, source de joie et de paix pour les communautés, comme il le dit encore à Timothée : Le Seigneur m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’Evangile et le faire connaître à toutes les nations païennes. Voilà ce qu’est une colonne de l’Eglise : quelqu’un qui est rempli de l’Esprit du Christ pour bâtir son Eglise.
Ils sont deux, Pierre et Paul, inséparables car Jésus les a envoyés, comme il envoie tous ses disciples, deux par deux ; pour se soutenir et se conforter sans doute, mais surtout pour que l’un appuie le témoignage de l’autre. En effet, le témoignage d’un individu seul, dans tous les pays et toutes les civilisations, a peu de crédit. Il n’est jamais suffisant pour dire que Jésus veut rassembler tous les hommes.
Oui, quand les habitants d’un village, d’une ville, d’un pays, se concertent, ce n’est pas seulement un remembrement des terres ou une nouvelle constitution qui est mise en vigueur, mais c’est le remembrement de toute une population, de toute une communauté humaine qui s’opère. Quand un blanc et un noir se rencontrent pour parler et agir ensemble en Afrique du Sud ou aux Etats Unis, ou ailleurs, c’est la ségrégation et le racisme qui reculent. Quand le chef de service et l’employé abandonnent les masques de la fonction, quand les baptisés se rencontrent pour prier ensemble et s’engagent, ensemble, pour promouvoir la dignité humaine et la fraternité, les relations deviennent plus humaines et l’Eglise peut se construire sur des bases solides, sur les colonnes de la foi des origines.
C’est ainsi qu’à la suite de Pierre et de Paul et de tous les disciples, en mettant ensemble nos fragilités, comme celles des tiges de papyrus, nous devenons, dans la force de l’Esprit de Jésus Christ, les colonnes de l’Eglise. Que nos saints patrons, Pierre et Paul, nous aident, en communauté boncourtoise, dans toute l’Unité pastorale de l’Eau vive, en union avec vous tous chers auditeurs et jusqu’au bout du monde, à marcher sur leurs traces.