Messe du 28e dimanche ordinaire

 

Monseigneur Bernard Genoud, à la basilique Notre-Dame, Lausanne, le 13 octobre 2002.

Lectures bibliques : Isaïe 25, 6-9; Philippiens 4, 12-20; Matthieu 22, 1-14

Mes chers frères et sœurs, d’ici et d’ailleurs,
Nous voici devant un Evangile assez déconcertant : à la fois plein de tristesse et pourtant bouleversant d’espérance…
La tristesse du roi déçu par ses invités… tristesse d’un père aimant qui voulait offrir à son fils une belle fête pour son mariage… Mais surtout, bien sûr, la tristesse incommen-surablement plus grande de Dieu, notre Père, devant le refus de ceux qu’Il invite au festin de son Amour.

Pourtant c’est aussi un Evangile de l’espérance parce que ce roi déçu ne se laisse pas abattre, ni démobiliser : il convie alors à son festin tous ceux qui ne s’y attendaient pas, qui en soi n’y avaient aucun droit, puisqu’ils ne sont ni de la famille, ni du nombre de ceux qui n’étaient en fait que des caricatures d’amitié.

Mais vous savez, l’histoire est répétitive ! Et cela fait 2000 ans que le Grand Roi, Dieu notre Père invite aux noces de son Fils des hommes de toutes langues, de toutes races, de toutes nations (donc vous et moi) dans cette Eglise dispensatrice de son Salut et de sa Joie !
Ainsi donc, cette parabole pourrait bien être notre propre histoire individuelle (marquée par tant de refus !); et ça pourrait bien être aussi le portrait collectif d’une civilisation notamment occidentale, enfoncée dans son matérialisme et ses préoccupations égoïstes, et qui n’a plus ni le temps ni le goût de répondre à l’invitation de son Père.

Oui, vraiment rien de nouveau sous le soleil… et c’est pour cela, entre autres, il y a quarante ans, que le pape Jean XIII convoquait le concile de Vatican II : pour trouver une nouvelle manière de crier à chacune et à chacun : «Mais arrête-toi ! Dieu t’aime, tu as du prix à ses yeux, viens au festin : il te chantera sa joie, et il étonnera toutes tes espérances ! ».
Parce qu’au fond, le contexte n’a pas beaucoup changé depuis l’époque de Jésus. Il n’a pas été reconnu par l’immense majorité de ses contemporains ! L’Eglise non plus aujourd’hui n’est pas tellement reconnue. D’ailleurs Jésus lui-même nous a prévenus : On ne traite pas mieux le serviteur que le Maître…
En effet, les contemporains de Jésus pouvaient porter trois types de regard sur lui, tout comme les nôtres ont trois manières de regarder l’Eglise.

– Il y avait, à l’époque de Jésus, le regard de l’homme de la rue… Celui-là voyait le « Fait » Jésus… il y a là un homme bien réel, qui marche sur les sables de Palestine, qui parle, qui mange : un « Fait » indéniable !

– Et puis, certains contemporains de Jésus ont porté sur Lui un regard un peu plus profond… et ils ont découvert le « Phénomène » Jésus : il y a là quand même un être doué d’une extraordinaire sensibilité, habité par un idéal incroyable, d’une grande capacité d’amitié, accueillant et ouvert aux pauvres et aux faibles, d’une intelligence remarquable capable de parer aux assauts intellectuels de ces ennemis les plus redoutables et de les mettre en déroute. Oui : c’est vraiment un « Phénomène », ce Jésus !

– D’autres enfin, beaucoup plus rares, et avec un regard qui alors ne venait pas d’eux, mais qui est pure grâce de Dieu, soulevés par la foi, ceux-là ont entrevu enfin le « Mystère » de Jésus… Marie, la première, qui apprend dès l’Annonciation qu’elle sera la mère du Fils de Dieu. Et ainsi, pendant quelques jours peut-être, le mystère de la divinité de Jésus sera le secret de Marie… un secret que sans doute elle partagera très vite avec Joseph.
Et 30 ans plus tard, quelques amis, soulevés eux aussi par le même regard de foi, s’approcheront du « Mystère » de Jésus… Saint Pierre : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et même aussitôt après sa mort, au pied de la croix, un païen, un centurion romain qui s’exclame : Celui-là était vraiment le Fils de Dieu !

Vous voyez, il n’y a pas à s’étonner aujourd’hui, si l’on a tant de peine à reconnaître l’Eglise : nos contemporains posent sur Elle les mêmes trois types de regard.

– Le regard de l’homme de la rue qui voit en l’Eglise une société humaine comme une autre, au mieux : le « Fait » Eglise… Une association religieuse, ni plus ni moins respectable que toutes les autres.

– D’autres, plus profonds, dépassent la croûte superficielle du « Fait » Eglise et découvrent « le Phénomène » Eglise…Il y a là une société religieuse parfaitement organisée, avec une structure hiérarchique qui dérange certains… Mais enfin une Eglise qui a produit, on doit bien le reconnaître, des géants d’humanité et tous ces titans de l’intelligence qui ont éduqué l’Occident, puis le monde entier.

– D’autres enfin, par un regard qui ne vient pas d’eux, mais soulevés par la foi, iront vraiment jusqu’aux dernières profondeurs du « Fait » et du « Phénomène » Eglise pour découvrir alors : « le Mystère » de l’Eglise !

Oui, « Mystère » de l’Eglise, qui continue le mystère de l’Incarnation : la sainteté même du Fils de Dieu, revêtue par « l’hommerie » de croyants qui pour l’instant avancent en boitant… L’Eglise… composée d’hommes et de femmes faits pour s’envoler vers les grands sommets, et qui pourtant se traînent encore parfois dans la boue comme des oiseaux blessés ! Oui, la foi nous découvre dans l’Eglise, la « Famille des fils de Dieu » et qui, sur la terre, n’ont pas encore achevé leur filiation… des fils et des filles « en devenir »… Un « Royaume des pardonnés de l’Amour » sur la terre déjà, et qui pourtant ne savent pas encore vraiment pardonner au nom de ce même Amour qui cependant déjà les sauve !
Oui « Mystère » d’une Eglise qui est passée à travers les épreuves de l’histoire, en les illuminant de sa vérité et en les sanctifiant avec le sang de ses martyrs !

Alors ceux qui découvrent cela se mettent à aimer l’Eglise ! …et ils entrent dans la formidable cohorte de tous les invités des grands chemins qui vont remplir la salle des noces de l’Agneau !

Voilà ce que l’Eglise a mission d’annoncer aux hommes de ce monde : Allez, enseigner toutes les nations, baptisez-les. Allez au carrefour des chemins et invitez tous les hommes. Et pour cela, plus que jamais aujourd’hui, le Grand Roi a besoin de serviteurs pour les envoyer crier sur les places : Venez, la table est prête pour le festin.

Et c’est aussi ce que le prêtre proclamera tout à l’heure à la communion : Heureux les invités au repas du Seigneur… Voilà aussi ce qui justifie la vocation des prêtres pour lesquels je vous encourage à prier, (ou pour certains aussi : à penser à le devenir !). Il n’est jamais trop tard : Allez sur les chemins, invitez tous ceux que vous rencontrerez !

Voilà pourquoi il y a une Eglise, des Conciles, des Synodes 72 en Suisse, ou notre Assemblée Diocésaine « AD 2000 », et maintenant toute une réflexion en vue d’une meilleure « Planification Pastorale ». Tout cela parce que, Serviteurs du Grand Roi, nous avons à inventer et à parcourir des chemins nouveaux vers tous les hommes nos frères, tous aimés de Dieu, et pour le leur annoncer d’une manière plus brûlante encore !

Oui, chrétiens, Jésus nous envoie à tous les carrefours pour crier à tous les humains : « Courage, J’ai vaincu le monde.
Courage : Nul n’est trop loin pour Dieu, il n’est jamais trop tard… »
« Courage: Moi je t’aime et je t’invite au festin de mon Royaume ! »

Alors, si nous acceptons d’être ces messagers d’espérance, et alors seulement, nous aurons le droit de porter le beau nom de « chrétiens »… et de nous asseoir à la table du festin.
Je n’ai rien de plus beau à vous souhaiter à tous et à toutes aujourd’hui, et pour toujours, que d’être vraiment Les heureux invités au repas du Seigneur !
Amen !

 

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