Messe du 15e dimanche ordinaire

dans le cadre de la Semaine romande de Musique et Liturgie

 

Chanoine François Roten, le 16 juillet 2000

Lectures bibliques : Amos 7, 12-15; Ephésiens 1, 3-14; Marc 6, 7.13

Quel temps béni, frères et sœurs, que celui où le Christ pouvait se permettre d’envoyer ceux qui l’annonçaient, ses apôtres, deux par deux, comme un curé avec son vicaire… Aujourd’hui, c’est plutôt un prêtre pour deux paroisses, et encore quand vous avez de la chance.

Pourquoi Jésus envoie-t-il ses apôtres deux par deux ? N’eût-il pas été plus efficace de les envoyer un par un ? Cela aurait permis d’annoncer la Bonne Nouvelle à deux fois plus de monde dans un même laps de temps !

Pourquoi deux par deux ?
Il y a plusieurs raisons à cela, dont la principale est un précepte du judaïsme, qui ne reconnaît la vérité d’un témoignage que s’il est porté par un minimum de deux témoins. Ainsi Jésus envoie-t-il ses apôtres deux par deux, afin que leur parole unanime soit accueillie comme véridique.

Jésus envoie ses apôtres par petits groupes, car le témoignage n’est pas le fait d’une personne, mais bien d’une communauté. Il serait trop facile de limiter l’exigence de l’annonce de l’Evangile à quelques ministres autorisés, évêques, prêtres, diacres ou autres laïcs engagés. Tous, nous avons le devoir du témoignage chrétien, chacun selon le service qui nous a été demandé en Eglise, chacun selon notre vocation propre. Nous sommes des apôtres.

Le sacrement du baptême a fait de nous les membres du peuple de Dieu, un peuple royal, sacerdotal et prophétique; prophétique, c’est-à-dire qui a la mission d’annoncer la merveille du salut obtenu dans le Christ.

Serait-ce à dire que nous devrions tous laisser nos travaux en plan, abandonner nos familles, nos communautés pour parcourir le pays, tels ces prédicateurs du Moyen Âge, sans attaches et sans gêne, des saint François d’Assise, des saint Dominique et tant d’autres qui ont tout donné, tout abandonné pour l’annonce de la Parole ?

Un telle vision ne va-t-elle pas d’ailleurs dans le sens de notre texte évangélique, où Jésus recommande à ses apôtres de ne rien prendre pour la route, sinon un bâton et des sandales ?

Avouez que c’est bien peu de choses pour entreprendre un voyage de prédicateur qui peut vous mener sur les chemins caillouteux des montagnes, au travers des océans et par-delà les continents…
C’est pourtant déjà bien plus que ce que saint Matthieu, dans son évangile (Mt 10,5ss) concédait aux apôtres envoyés en mission. En effet, d’après le témoignage de Matthieu, Jésus aurait même interdit nommément le bâton et les sandales.

Qui faut-il croire ? Y a-t-il contradiction dans les évangiles ? Non. Il s’agit plutôt d’une adaptation rendue nécessaire par l’élargissement du domaine de la mission; saint Marc, écrivant pour un autre auditoire que celui de saint Matthieu, a pris en compte les conditions nouvelles des missionnaires hors Palestine, où le bâton et les sandales pouvaient être nécessaires sans déroger à la pauvreté.

Et pour nous, il ne nous est non plus pas demandé de faire l’impossible, de vivre en l’an 2000 comme on vivait au 13e siècle, ni même de vivre aujourd’hui comme on vivait au début du siècle. A chaque temps ses contingences, et les besoins d’un chrétien du 20e siècle dans nos contrées ne sont pas ceux d’un de ses frères de Palestine au premier siècle.

Mais l’exigence fondamentale demeure : Jésus nous enseigne qu’il faut nous désencombrer pour annoncer avec vérité la Bonne Nouvelle. Pour être disponibles à l’esprit de Dieu, il faut être allégés. Tout est bon, mais tout n’est – de loin – pas nécessaire.

L’évangile de ce jour nous invite à prendre un temps pour reconsidérer nos vies, pour faire la part des choses et discerner ce qui, au cours de nos journée est indispensable, nécessaire, utile à notre vie, de ce qui est inutile, superflu et même nuisible pour notre vie du corps, de l’esprit et de l’âme.

Etre désencombrés pour annoncer avec vérité l’Evangile. Non pas par des actes admirables et extraordinaires mais dans chacun des petits instants qui font notre banal quotidien et dans la fidélité, chaque jour.

La tâche vous fait-elle peur ? Il en a été de même pour tous les prophètes, pour tous ceux qui furent appelés, comme Amos, qui nous racontait l’histoire de sa vocation dans la première lecture. Il n’aurait pas demandé mieux, Amos, que de rester sur ses terres à garder ses vaches et soigner sa vigne et ses figuiers. Mais comme le Seigneur l’avait appelé, il est venu pour témoigner.

Au milieu des cités, nos ancêtres ont tenu à ériger des cathédrales, lieux phares, immenses, dépassant le faîte des plus hautes maisons, qui signifiaient la foi, une foi bien implantée dans la vie sociale, signe de la présence de Dieu.
Il est fini ce temps des cathédrales de pierre.

Mais il est en germe, ce nouveau temps des cathédrales, celles-là non plus bâties de pierre, mais de chair, ces temples que nous sommes et que sont les communautés chrétiennes, à l’image de celles formées autrefois par les apôtres envoyés deux par deux, ces communautés où l’Evangile est annoncé et vécu, où l’on prêche l’amour par l’exemple, où l’Evangile est mis en actes.

Puissions-nous devenir, chacun et en communauté, comme ces cathédrales du Moyen Âge, des signes visibles au milieu du monde de la présence de Dieu. Qu’on puisse dire en nous voyant : « C’est Dieu vivant. »

Puisse-t-il venir ce temps nouveau des cathédrales humaines.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *