Messe du dimanche de la Mission universelle

à l’occasion des 20 ans du Centre d’animation jeunesse

 

Abbé Jean-Noël Theurillat, en dialogue avec deux jeunes, Collégiale de St-Ursanne, le 16 octobre 2005

Lectures bibliques : 1 Thessaloniciens 1, 1-5; Matthieu 22, 15-21 – Année A

Dialogue avec deux jeunes :

Anne-Lise Maître
Pour moi, rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est monter un projet humanitaire et partir en Afrique !

Guillaume Mamie
Bien sûr, c’est ça… et tu crois que l’argent pour partir, y’va te tomber du ciel ?

Anne-Lise Maître
Mais non, Dieu, c’est une force, il va nous aider ! Et….

Guillaume Mamie
Ouais tu crois vraiment encore aux contes de fées toi… C’est pas Noël aujourd’hui !

Anne-Lise Maître
Attends, je t’explique : quand je pars dans un projet humanitaire ou dans le désert avec d’autres jeunes, c’est là que je le retrouve, Dieu, et que je me sens bien !

Guillaume Mamie
Ben moi, être avec mes propres amis, ça me suffit ! C’est ça la vie : aller au ciné, faire un tour en moto, m’éclater un genou en faisant du basket… ça le fait trop !

Anne-Lise Maître
Mais non, tu n’y es pas : tout ce que tu me dis là, c’est du matérialisme… Dieu, ce n’est pas du tout ça ! Dieu, c’est être libre ! Quand je pense à lui, j’oublie tout, je n’ai plus de soucis…

Guillaume Mamie
Oh-la-la… si tout le monde pense comme toi, on n’est pas sorti de l’auberge !

Anne-Lise Maître
Ouais, mais…….

Espèces d’hypocrites, vous croyez vraiment que ça veut dire ça, « Rendez à César ce qui est à César et rendez à Dieu ce qui est à Dieu ? »,

Abbé Jean-Noël Theurillat
C’est un véritable dialogue de sourds que vous venez de mettre en scène pour nous interpeller ! Et en y assistant, Jésus ne se gênerait sûrement pas de s’interposer en criant à l’hypocrisie, comme il l’a fait dans l’Evangile, tout à l’heure !

Hypocrisie… ce mot, signifie « la comédie, la pièce de théâtre »…

Et en effet, quelle comédie, si rendre à Dieu ce qui est à Dieu consiste à n’en faire qu’une parenthèse dans la page de nos vies, si la source de lumière à laquelle nous allons puiser ne peut éclairer l’ensemble de ce que nous sommes! Quelle triste comédie, si notre foi ne donne pas une touche particulière au tableau de nos existences et au visage de notre monde! Oui, quelle comédie, si rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est une page à part, dans le livre de l’histoire des hommes!

Mais en sens inverse, notre existence devient aussi un bien triste théâtre, si elle se réduit à rendre à César ce qui est à César, si notre quotidien se résume à ses aspects matériels, si la valeur de ce que nous sommes consiste dans l’addition de ce que nous avons ou n’avons pas!

Qu’il serait triste que notre foi n’apporte pas au livre de nos vies ce petit supplément d’âme qui change tout, qui nous donne d’être infiniment plus que des amas de matière!

Les interlocuteurs de Jésus essayaient de le piéger : est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur? Comme si Dieu nous dispensait de la pesanteur de notre quotidien… Rendez à César ce qui est à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu leur répond plutôt Jésus ! Car l’un n’empêche pas l’autre ! L’un ne va pas sans l’autre !

A ce propos, j’ai tellement aimé cette petite phrase qu’un monsieur m’a adressée amicalement l’autre jour : j’allais justement m’acquitter de mes impôts, et après que nous ayons échangé quelques mots, il me dit en souriant: « le seul chemin vers le ciel, c’est la terre ! »

Et si en effet, le seul chemin vers le ciel, c’était la terre ! Parce que c’est là, sur la terre, que notre vie se joue, et notre foi aussi ! Coluche disait que « la bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent parterre ! »

Oui, je crois que Jésus nous appelle aussi aujourd’hui à bien garder les pieds parterre ! C’est là seulement que ma foi peut prendre racine! Dieu ne s’est pas fait homme pour nous dispenser de notre condition d’hommes ! Au contraire, le chemin qu’il espère ouvrir en nous veut nous aider à devenir toujours plus humains !

Et ce dimanche de la mission universelle vient nous le redire: chacun est missionnaire, là où il est ! Sans avoir à être l’abbé Pierre, je peux accueillir quelqu’un qui n’a pas d’endroit où vraiment se retrouver ! Sans être Mère Teresa, je peux avoir une attention pour que la planète ne se contente pas de ne produire que des victimes du progrès technique! Sans être Guy Gilbert, je peux me demander comment je suis présent à un pote ou une amie qui ne va pas très bien! Sans être Frère Roger, je peux me laisser éclairer de l’intérieur pour apporter un peu de lumière autour de moi!

Et alors, en revenant d’un camp au Cameroun, je réalise que tout autour de moi, il y a des personnes différentes à rencontrer ! En revenant du désert, je peux continuer à chercher où est vraiment la Source, pour ne pas me laisser dessécher ! En revenant d’un temps de prière, je peux retrouver le visage de Dieu en toute personne, en celle qui rayonne de joie, mais aussi dans ce visage blessé ou cabossé par les coups durs de la vie! En revenant d’une Montée vers Pâques avec d’autres jeunes, je peux décider de miser plutôt sur ce qui va du côté de la vie que du côté de la mort !

Rendez à César ce qui est à César et rendez à Dieu ce qui est à Dieu ! Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre! Le visage de Dieu, quant à lui, ne se laisse pas enfermer dans l’effigie d’une pièce de monnaie… C’est en ouvrant le livre de l’histoire des hommes qu’on est invité à le décrypter! Car le seul chemin vers Dieu, c’est bien la terre où nous vivons!

Anne-Lise Maître
Oui, et pour moi, ça se traduit dans le fait de me rendre chaque jour à mon travail pour apporter ma bonne humeur à des personnes handicapées. Et en fait, c’est elles qui, chaque jour, avec leur sourire, me font comprendre que le monde, il n’est pas si mal que ça !
Guillaume Mamie
Ouais, finalement, on se comprend : moi, je travaille dans le monde de l’horlogerie… La production, l’argent, le luxe, c’est une chose… Mais est-ce vraiment l’essentiel ? Pour le bon fonctionnement de l’entreprise peut-être… En ce qui me concerne, les moments que je partage avec mes collègues de boulot durant la journée, c’est ça le plus important pour mon bien-être

 

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